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Gilles Thévenon : Sur la représentation proportionnelle

Gilles_ThevenonRobert Hue a rappelé par deux fois, dans un article du Figaro, le 17 mars dernier et dans un communiqué publié après le second tour des élections départementales « qu’il  faut mettre en place un mode de scrutin proportionnel permettant une représentation fidèle et juste du pluralisme ».

Il convient en effet de rouvrir le débat sur les lois électorales et de les envisager, non pas sous l’angle des combinaisons politiciennes mais dans l’optique de la justice électorale. Certes, l’on ne peut changer trop souvent les modes de scrutin mais il s’agit d’assurer l’équité politique, et par delà, les valeurs républicaines. Il est impossible de s’accommoder des systèmes simplificateurs et aboutissant à des distorsions des réalités électorales. L’on ne peut, non plus, se satisfaire de lois complexes, peu claires, suscitant l’incompréhension et, en fait, servant les calculs politiciens sous prétexte d’efficacité électorale…

Contrairement aux idées reçues, la représentation proportionnelle n’aboutit pas obligatoirement à l’absence de majorité et à la mauvaise gouvernance. Elle répond à une exigence démocratique et il faut se garder d’avoir d’elle une vision « mécanique » Son influence permet effectivement, dans la justice, d’indiquer une orientation de tendances électorales mais ce n’est qu’un élément se combinant avec d’autres variables politiques.

La représentation proportionnelle, comme son nom l’indique, attribue les sièges proportionnellement au nombre des voix obtenues par les formations politiques. A chacun selon son dû, pourrait-on dire… La logique du système est d’ordre mathématique et rationnel. Bien des avantages plaident en sa faveur : elle fournit une photographie exacte du prisme politique. Pourquoi exclure d’une assemblée élue des forces politiques, qui, qu’elles plaisent ou déplaisent, sont l’émanation de la souveraineté ? Le combat politique doit se mener, non pas par le truchement de lois électorales, mais par le débat d’idées

Avec la représentation proportionnelle, il n’y a pas de distorsion entre le nombre de voix et le nombre de sièges obtenus, comme c’est trop souvent le cas dans le cadre du mode de scrutin majoritaire à deux tours. Un système qui amplifie généralement, au deuxième tour, les mouvements électoraux rendant ainsi caricaturales et sans rapport avec la réalité les majorités. Rappelons nous : en 1993, la droite, alors la coalition RPR-UDF, avec certes au premier tour 47,90% des suffrages exprimés, avait empoché… 84% des élus soit 472 sièges sur 577 !

La représentation proportionnelle pouvant être envisagée dans le cadre de circonscriptions électorales incontestées, le département ou la région par exemple, évite aussi les dérives du découpage électoral. Celui-ci s’apparente souvent à un « charcutage » indigne de la démocratie et arrangeant pour celui qui l’institue : les « ciseaux électoraux » sont rarement empreints de justice… Une pratique bien connue depuis le XIXème siècle puisqu’en 1811, aux Etats-Unis, un obscur gouverneur du Massachusetts, un certain Elbridge Gerry, avait « dessiné » des circonscriptions qui noyaient les zones de force de ses adversaires… Le « Gerrymandering », l’absence d’équité électorale, venait de naître… Et l’on sait bien que le découpage des circonscriptions, opéré en 1958 sous les auspices notamment de Michel Debré, défavorisait la gauche et tout notamment les communistes… Tout cela n’a pas lieu d’être avec la représentation proportionnelle. Un système qui, par ailleurs, constitue un barrage aux dérives « notabiliaires » et qui favorise l’intégration de la parité ainsi que celle de la jeunesse et des minorités souvent « oubliées »…

Dans Les partis politiques, un ouvrage célèbre rédigé en 1951, Maurice Duverger soulignait l’impact des modes de scrutin sur le système politique et démontrait que la « RP » débouchait sur le multipartisme. La Représentation proportionnelle contribue-t-elle donc à l’émiettement du paysage politique, à l’absence de majorité ? Est-ce aussi simple ? Il ne faut pas le nier, c’est parfois le cas, surtout lorsqu’elle ne s’accompagne d’aucun seuil de représentativité. On l’a déjà vu, par exemple en Belgique. Mais là encore, la dimension politique et culturelle ne peut être omise. Comme toujours. Réduire la problématique de la gouvernance au seul mode de scrutin est une vision un peu réductrice.

Les modes de scrutin ne sont en fait qu’une variable politique au regard des divers facteurs, politiques, historiques ou sociologiques qui influent sur la vie politique d’un pays. Là encore, rappelons nous : la Troisième République avait pour mode de scrutin, sauf pendant une courte période, le scrutin majoritaire à deux tours. Un scrutin qu’Edouard Herriot, féru d’histoire, comparait à un « combat de gladiateurs »… Et pourtant, elle ne passe pas pour un modèle politique en matière de majorité stable et solide ! Plus proche de nous, en 1986, les élections législatives se sont déroulées selon les règles de la représentation proportionnelle mises en place par la loi du 10 juillet 1985. Ce n’est pas pour autant qu’il y a eu une absence de majorité ! la droite l’a emporté et l’absence de majorité ne s’est pas manifestée… Bien au contraire, en 1988, alors que le scrutin majoritaire à deux tours avait été rétabli, le PS a remporté les législatives mais la majorité n’a été à l’époque que relative, ce qui a conduit les Premiers Ministres successifs, Michel Rocard, Edith Cresson et Pierre Bérégovoy à rechercher des convergences parlementaires variables ou à recourir à l’article 49 alinéa 3 pour faire « passer en force » des projets de loi…

Il n’y aucun effet mécanique. Seuls les électeurs décident après une campagne électorale qui doit, certes, être digne de ce nom. La loi électorale ne permet qu’une « stylisation » des choix. La proportionnelle, ou plutôt « une dose de proportionnelle », François Hollande l’a d’ailleurs promise en janvier 2012, pendant la campagne électorale.

Sans oublier aussi le nécessaire ressourcement de notre démocratie représentative par des éléments de démocratie directe. Comme Robert Hue l’a écrit, « il faut emprunter des chemins neufs, ceux d’une véritable participation, à vocation autogestionnaire comme ceux d’une intervention citoyenne » adaptée à la révolution numérique.

Il est temps de renouveler le champ politique et citoyen.

Gilles Thevenon est maître assistant à la Faculté de droit de l’Université catholique de Lyon et chargé d’enseignement à la Faculté de droit de l’Université Lumière-Lyon II. Il est l’auteur de La Vème République et Les partis politiques (Ed. La chronique sociale de Lyon).

Il est par ailleurs délégué départemental du mdP Rhône.

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Commentaires

Une réponse

  1. je partage pour l essentiel l analyse de g thevenon.
    Pour nos popositions du mdp je pense que nous devons dire clairement que la proportionnelle vraie doit etre la regle de la commune a l lassemblee nationale.
    Mais je suggere que nous l accompagnons de l l affirmation du mandat unique et que nous nous degagions du debat cumul statut de l elu en posant de maniere autonome le statut de l elu.
    Ainsi nous aurions trois propositions
    1 la proportionnelle
    2 le mandat unique
    3 le statut de l elu

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