Interpellation démocratique au Président de la République

Notre pays vit aujourd’hui dans le clair-obscur d’un désarroi général, quand le citoyen se demande où va la France. A mi-mandat présidentiel, l’impression grandit que l’Exécutif et la Gauche pourraient être finalement incapables de remplir la mission que le peuple leur a confiée, le redressement du pays. Est-il alors trop tard pour envoyer quelques signaux forts, afin de faire renaître cette confiance sans laquelle rien ne peut se faire ? Je ne le pense pas. Je crois au contraire qu’il est encore possible de provoquer le sursaut nécessaire, et d’éviter ainsi à des millions d’hommes et de femmes cette désastreuse hypothèse que beaucoup, même à gauche, considèrent comme désormais inévitable : le retour d’une droite revancharde et qui croit déjà tenir sa victoire, ou pire encore, le succès d’une extrême-droite démagogique qui se nourrit du désenchantement populaire.

Appeler à ce sursaut, c’est, en toute responsabilité, le sens de l’interpellation démocratique que j’adresse, avec mes amis du Mouvement des Progressistes, au Président de la République. Cette interpellation ne s’inscrit nullement en opposition à une majorité que j’ai – sans hésitation – contribué à élire en 2012. Il ne s’agit pas de nous associer aux tentatives de constitution d’une gauche dite alternative, se substituant à celle, qualifiée par facilité de « social-libérale » ou « néo-libérale », qui aurait failli. Il s’agit encore moins d’accabler d’anathèmes populistes, comme certains le font, le Président de la République et son Premier ministre.

En toute responsabilité, cela veut dire considérer lucidement mais loyalement que les choix opérés en cette première partie du quinquennat – particulièrement au plan économique et social – ont été trop clairement alignés sur les conceptions dominantes en Europe, qui ont le tort de reposer essentiellement sur la réduction des dépenses publiques et de la dette. Le pouvoir s’est ainsi privé de mesures structurelles majeures envoyant aux couches populaires un signal fort d’égalité et de justice sociale. Je pense en particulier à cette grande réforme fiscale qui avait été promise et à laquelle s’est malheureusement substituée la seule recherche de multiples sources de financement du déficit public.

Pour autant, redonner espoir à notre peuple n’implique nullement d’appeler l’Exécutif à je ne sais quel reniement ou autocritique publique quant à l’ensemble de ses choix depuis 2012. Je salue les importantes réformes – notamment sociétales – tout comme les  actions internationales qui ont été entreprises ou réalisées avec succès.

Mais le temps presse désormais. Il ne reste que deux ans pour  prendre des décisions  significatives et audacieuses permettant aux progressistes, aux écologistes et aux démocrates de reprendre courage, et de se rassembler dans l’action derrière un pouvoir déterminé à renouer le lien vital avec les couches moyennes et populaires.

Il ne reste que deux ans pour redonner confiance à nos concitoyens, inquiets par l’absence de résultats économiques, notamment en matière de chômage, préoccupés par les problèmes de santé ou d’éducation, et très attachés à la lutte contre les inégalités, comme à la qualité des services publics, en dépit des économies nécessaires.

Il ne reste que deux ans pour que s’efface une certaine conception de la politique, incarnée par ses représentants.

C’est tout cela qui se traduit cruellement, lors des scrutins nationaux, par une abstention de plus en plus massive – ou par le vote Front National. Car si la crise est d’abord économique, elle est aussi profondément politique et morale. Elle exprime à mon sens, l’exigence inédite d’une éthique nouvelle. Celle qu’il faut sans délai instaurer.

Au-delà des sensibilités de chacun, je plaide avec le Mouvement des Progressistes en faveur d’un compromis de type nouveau, qui n’implique nul reniement, mais qui prenne en compte la diversité des opinions. C’est le sens que nous voulons donner aux cinq propositions suivantes, qui nous paraissent répondre à ce besoin.

Au plan législatif :

– Une loi sur l’utilisation de l’argent public, non punitive, mais permettant aux  citoyens de connaître l’utilisation des fonds dans le but prioritaire de soutenir la croissance et de créer de l’emploi ;

– Un dispositif social et écologique bonifiant les aides publiques d’incitation au développement durable et à la création d’emplois verts ;

– Un engagement pluriannuel en faveur d’une réforme globale d’égalité fiscale et de lutte contre l’évasion fiscale ;

Au plan institutionnel :

– Des mesures pour déprofessionnaliser la représentation politique et créer un réel statut des élus. Il s’agira dans le même temps de faciliter le développement de la démocratie directe et de la proximité ;

– Faire vivre une représentation fidèle et juste du pluralisme, en décidant la proportionnelle pour les élections législatives. Quels que soient les inconvénients que présente ce mode de scrutin, notamment par la place qu’il risque de faire, dans les circonstances actuelles, à l’extrême droite, les avantages l’emportent largement, notamment en termes de participation électorale.

Je propose de mettre ces cinq propositions au pot commun de ce compromis progressiste et citoyen. De les soumettre au débat public et d’appeler à les soutenir sur les réseaux sociaux qui se reconnaissent dans les initiatives du mouvement des Progressistes.

Un souffle nouveau, porteur d’union des forces de progrès et de l’écologie, peut redonner sens et espoir à la gauche, sans qu’il soit question ni d’hégémonie ni d’exclusive.

Le Premier ministre a évoqué il y a quelques semaines l’idée d’une maison commune des progressistes. Aucune proposition d’union ne doit être écartée. Mais cette hypothèse ne peut être crédible que s’il s’agit d’intégrer les choix issus de la diversité de la gauche, dans le respect de chacun.

C’est dans cette perspective, au moment où il est nécessaire et urgent de changer la donne politique de la deuxième partie du quinquennat, que s’inscrit la présente interpellation constructive au Président de la République.

Paris, le 11 décembre 2014

Contact Presse : Laurent Payet – 06 89 95 48 87

Lien vers l’article paru dans le JDD.FR du 14 décembre 2014

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Commentaires

11 réponses

  1. Robert Hue montre la voie de retour à l’Union de la Gauche à l’écoute des citoyens, notre seule raison d’exister, le MDP y contribue largement…
    Raymond Garcia.

    1. J’ajoute, une véritable éthique pour nos élus, les citoyens ont le droit de regard permanent, oui aux notes qualifiantes, oui.
      Raymond Garcia.

  2. Ce serait bien que les télés et radios relaient cette interpellation. Car, ce matin, sur la toile, mis à part Mélenchon, les frondeurs du PS et un peu Cambadélis, on ne voit pas grand chose d’autre à gauche. Une interpellation qui me semble porteuse d’espoir à gauche et dont l’opportunité doit être saisie.

  3. Bravo pour les propositions et ça fait du bien d’entendre des hommes politiques qui ont des idées simples et lisibles par tous, qui ne baissent pas les bras, qui donnent espoir avec des idées neuves, qui ont l’esprit d’équipe et qui avancent des idées concrètes et tout à fait réalisables dans les deux années à venir
    Ces propositions devraient être relayées par les médias encore plus.

  4. J’adhère parfaitement à cette interpellation démocratique qui est rempli de bon sens et peut redonner espoir au peuple de gauche.C’est aussi revenir vers les 60 promesses faites pendant la campagne présidentielle. Alors il n’est trop tard. Nous connaissons tous la situation économique déplorable laissée par l’UMP, mais nous avons été élus sur un programme d’espoir.Appliquons le tout simplement et alors nous pourrons encore réenchanter la France.

  5. Les propositions faites ici par Mr Robert Hue sont intéressantes sur le plan d’une logique politique progressiste de gauche ouverte prenant en compte le contexte général dans lequel la France et l’Europe se meuvent depuis plusieurs années. Il est encore temps en effet de lancer l’indispensable grande réforme fiscale ainsi que celle également essentielle sur les institutions –

  6. Bravo à Robert HUE ! Enfin des propos vraiment rassembleurs sur des propositions concrète ! Ca nous change des « vociférateurs-donneurs de leçons-fermeurs de gueule allemande » qui, à force d’insulter et de diviser, produit un effet désastreux, porteur de haine alors que nous demandons espoir et volonté de vivre ensemble…Hélas, quand on voit le déchaînement et la raideur des positions sur « les crèches dans les lieux publics »(même si la loi de 1905 doit être appliquée…) On est en droit de se demander si « l’homme » français est capable de parvenir à un tel consensus pour dépasser cette fameuse CRISE qui a bon dos et semble permettre toutes les dérives au lieu de rassembler..!

  7. Avec son programme de « réformes », le gouvernement socialiste donne des gages aux marchés financiers, pour que l’Etat emprunte 200 milliards par an à un taux le plus bas possible. Il s’agit de rassurer nos créanciers…La France a remboursé plus de 1500 milliards d’intérêts en 40 ans !(source insee)

  8. Interpellation constructive, porteuse d’espoir en ces temps où la critique se généralise dangereusement.

  9. Dans la morosité ambiante, une excellente initiative politique constructive et une bouffée d’air frais à gauche. Par les temps qui courent, un peu de hauteur de vue ça ne fait pas de mal!

  10. Il y a autre chose à faire que de doubler ma misérable retraite 1400 euros/mois , à moins de le faire par la solidarité de élus socialistes.
    Garder l’attention fixée sur le cap me paraît être la seule bonne voie possible de l’Exécutif ! Les histoires de pédalo c’est bon pour les éternels vacanciers .

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