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« Les partis vont mourir » de Robert Hue : un manuel de combat pour une gauche en panne.

LE PLUS. Robert Hue prend la plume. L’ancien numéro 1 du Parti communiste français (PCF) a publié un ouvrage politique intitulé « Les partis vont mourir… et ils ne le savent pas ! » (éd. l’Archipel). Docteur en histoire à l’EHESS, Sébastien Nadot prépare une biographie de l’ancien leader communiste. Il décrypte ce livre.

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(A. JOCARD/AFP)

Maurice Thorez, Jacques Duclos, Waldeck Rochet, Georges Marchais… Les livres d’anciens n°1 du PCF ne manquent pas sur les étagères poussièreuses des bibliothèques du XXe siècle. Rien d’étonnant, donc, à voir Robert Hue se livrer à cet exercice dans « Les partis vont mourir… mais ils ne le savent pas ! » (éd. de l’Archipel).

Habituellement, le simple survol d’un ouvrage écrit par un homme politique est désormais quasi-impossible. Il faut y être obligé professionnellement, percevoir des dividendes sur les ventes ou bien honorer tous les horribles cadeaux de Noël qu’on vous fait sans exception…

Plusieurs raisons à cela. D’abord, n’importe qui – du conseiller municipal au ministre – écrit sur n’importe quoi, ne voyant là qu’un objet de com’ indispensable, facile à produire à très bas coût (intellectuel). Ensuite, parce que la plupart des politiques n’ont pas grand-chose à raconter. Enfin, en raison de leur incapacité à proposer des perspectives qui ont du sens quand on considère l’avenir de notre société.

À cela, on ajouterait volontiers la déception qui nous habite généralement quand on mesure le décalage entre les propos et les agissements d’untel ou untel. Bref, vraiment rien d’étonnant… sauf que le livre de Robert Hue déroge à l’habituel cahier à la Prévert de ce qui serait bon ou mauvais pour notre société.

Un texte étonnant, voire détonnant

En résumé, l’ex-secrétaire national du Parti communiste – qui n’avais pas usé sa plume depuis plus de dix ans – propose ici un texte étonnant, parfois détonnant, qui mêle l’intime aux affaires publiques, qui voyage dans le passé pour explorer le futur, sans règlement de compte (dommage pour les amateurs du genre…) mais avec des propositions. Ce dernier point – suffisamment rare dans ce genre d’ouvrage – est assez intéressant à explorer.

Ce n’est pas seulement l’histoire de ce Robert à l’air débonnaire qui défile ici, celui qui a pu dialoguer à plusieurs reprises avec Yasser Arafat ou Nelson Mandela, cet ami de longue date de François Hollande, qui connaît par cœur la musique devenue atone du Parti communiste français.

Ce n’est pas seulement la trace d’un jeune maire des années 1980 issu des milieux populaires jusqu’à son actuel siège de sénateur qu’on peut suivre. Ce n’est pas non plus le regard d’un homme boursouflé de prétention ou assoiffé de pouvoir qui livrerait une critique trop facile en guise de révérence.

Et c’est encore moins une charge contre le Parti communiste auquel il n’appartient pourtant plus depuis plusieurs années, même s’il écrit à son sujet : « Ce chemin du rêve, je l’ai parcouru jusqu’à la déchirure ».

Le livre de Robert Hue est construit comme sa pensée. Il part de son expérience pour donner ensuite son avis, un avis qu’il essaie d’expliquer pas à pas, avec pour objectif – dit-il – d’être utile et constructif.

Il tente de clarifier sa position 

À partir de son passage au PCF (la matrice organisationnelle des partis que nous connaissons, de droite comme de gauche), il analyse le dysfonctionnement généralisé des partis politiques actuels, tous arrivés en fin de cycle.

Il tente aussi de clarifier sa position (il a soutenu François Hollande aux présidentielles de 2012), répondant à ceux qui le considère comme un social-démocrate de circonstance (un de ces fameux social-traître dont l’histoire est remplie).

Dans bien des cas, le compromis a ses vertus. Malheureusement – dit-il – la sphère politique française de gauche ne connait pas le compromis, ce qui explique son éclatement actuel, poussé à l’extrême par une abêtissante compétition d’écuries présidentielles.

Après le communisme et le socialisme, Robert Hue veut ni plus ni moins qu’installer une nouvelle voie, celle du progressisme:

« L’échec des deux principaux courants pyramidaux de la gauche du XXe siècle est sans appel. Le communisme, largement inspiré durant plus de 50 ans du modèle soviétique, et la social-démocratie, s’inscrivant dans une démarche réformiste d’adaptation au capitalisme, n’ont pas convaincu. »

Peut-être est-ce parce que l’homme est féru d’histoire qu’il écrit :

« Une temporalité multiple et hiérarchisée s’impose aux progressistes : celle qui oblige à agir vite comme celle d’un projet à long terme, celle d’une vie de femme ou d’homme en regard de celle de notre planète, celle qui permet d’être en harmonie avec notre passé et ses traditions sans occulter la mutation radicale de notre rapport au temps que les nouvelles technologies ont provoqué. »

Un manuel de combat pour la gauche

Toujours est-il que Robert Hue veut réconcilier progrès et écologie dans son « éco-progressisme », rompre avec le présidentialisme (encore plus grave depuis qu’il fonctionne autour du quinquennat) et repenser complètement les relations Europe (oui, l’Europe…) avec l’Afrique.

Tout cela passe par un renouvellement du rapport de l’individu au collectif que les nouvelles technologies doivent faciliter et que son mouvement progressiste veut incarner.

Le livre de ce nouveau « Hue 2.0 » est peut-être conçu comme un manuel de combat pour une gauche en panne. Reste à savoir s’il y existe encore des conquérants d’un nouveau rêve ou s’il ne reste que quelques défenseurs d’un monde englouti…

Un article publié le 20 août 2014 sur le site du Nouvel Observateur leplus.nouvelobs.com

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