A propos du Mali.

Par Laurent Lanyi et Jean-Pierre Guilleman, respectivement Maire-adjoint (MUP) et Conseiller municipal délégué (PS-MUP) de Carrières sous Poissy.

Au-delà de la guerre au Mali, ou les évènements sont médiatisés sous la forme de compte rendu tactique, il se pose une question d’ordre plus général à savoir comment un état structuré peut-il basculer aussi rapidement dans le chaos ?

Cette question est reproductible pour tous les états et seule une analyse politique de la situation peut servir de « modèle » pour ne pasque se reproduise ailleurs, y compris en Europe, ce drame.

Sur les interventions militaires il convient de rappeler deux citations : Premièrement, Clausewitz disait que « La guerre n’est qu’un prolongement de la politique par d’autres moyens ». La seconde est un proverbe militaire qui remarque que l’on peut tout faire avec une baïonnette sauf s’asseoir dessus. Ce qui veut dire que la phase de guerre est peut être obligatoire mais que la résolution du problème passe obligatoirement par une reconstruction du politique.

Ce texte s’appuie sur l’analyse de Gilles Holder pour les questions concernant la sociologie de la société malienne.

Tout d’abord, le Mali est un pays dont les habitants sont conscients d’avoir une grande histoire (empire du Mali et, à moindre degré, les empires Mossi et Songhai).

La conscience nationale s’est constituée autour du « roman national de l’Empire du Mali » un peu comme en France notre identité s’est construite autour du « roman gaulois » puis pour l’Europe de l’empire carolingien

Au début de la colonisation, Il faut remarquer que les frontières du Mali ne sont pas « artificielles », à l’inverse de celles de la France qui est une réalité historique, car elles correspondent à une réalité sociologique liée aux alliances tribales du moment et à une réalité géographique lié à l’écologie des espaces sahéliens et subsahéliens.

Néanmoins, il existe à l’intérieur de ces frontières et, notamment, au Nord des peuples qui ne se reconnaissent pas dans le « roman national de l’Empire du Mali » qui n’a jamais fonctionné pour eux comme un creuset culturel. (Touaregs, Peuls, Maures, etc…)

Ces peuple étaient nomades (éleveurs comme les Peuls) ou transporteurs et commerçants comme les Touaregs. Actuellement sous la pression de la modernité et de l’automobile, ces peuples se sédentarisent avec tous les problèmes universels liés à ce phénomène (pauvreté économique, acculturation, habitat dégradé, etc…)

Les Touareg furent par le passé commerçants et leur capitale (Tombouctou) fut un carrefour de communication de marchandises et d’idées. Le côté « noir » fut le commerce d’esclave puis, plus récemment, la contrebande (cigarette, drogues). Cette culture explorée à partir de la fin du XIXème siècle a exercé une fascination sur le colonisateur français qui ne l’a jamais remise en question. Aujourd’hui, les Touaregs se sentent délaissés d’un pouvoir malien qui les ignore.

Pour le futur proche de l’après guerre, une autre construction historique qui mêlerait les épopées de chacun constitue un enjeu culturel majeur dans un contexte où le Mali s’est culturellement rétracté et où les gents ouverts sur l’extérieur (émigrés par exemple) sont souvent traités d’apatrides.

Les jeunes maliens, dont la plupart sont sans perspective d’emploi, et à condition de les écouter et de les aider, pourraient être le vecteur de cette construction culturelle car ils ont adopté un mode de vie emprunt de modernité et d’ouverture.

Historiquement, sous influence extérieure, l’Islam malien est sunnite dans sa variante malékite (80% de la population malienne). Cette doctrine à visée universelle est apte à s’adapter aux cultures locales.

Le malikisme est une des quatre écoles classiques du droit musulman sunnite. Il est fondé sur l’enseignement de l’Imam Malik ibn Anas (711 – 795), théologien et législateur, qui vécut à Médine. Cette école est majoritaire en Afrique du Nord et de l’Ouest; on la retrouve en Egypte, au Soudan et dans certains pays du Golfe (Koweit, Emirats Arabes Unis, Quatar, Bahrein). Suivie par environ 220 % des musulmans, c’est la troisième école en nombre de pratiquants (mais la première en France). La particularité de cette école est d’utiliser les pratiques des premiers habitants musulmans de Medine comme source possible de la jurisprudence.

A partir de 1945, le wahhabisme, venu d’Arabie saoudite, a attaqué cette tradition en prêchant une réforme de l’éducation islamique qui vise une ré-arabisation de l’islam et, en ce sens, instaure ce que l’on appelle aujourd’hui le salafisme.

Le wahhabisme est un mouvement politico-religieux saoudien fondé par Mohammed ben Abdelwahhab (1703-1792). Selon lui, l’islam devrait être ramené à sa forme originelle qu’il définit selon son interprétation du Coran et des hadiths. La pensée ainsi définie diffère des autres doctrines de l’Islam très largement majoritaires. Cette doctrine est régulièrement présentée comme un mouvement ultra-orthodoxe et extrémiste.

Les divers courants salafistes se perçoivent comme un mouvement de renaissance de l’islam par un retour à la foi des origines, celle des « pieux prédécesseurs ». Ils rejettent tout ce qu’ils perçoivent comme des interprétations humaines postérieures à la révélation de Mahomet. Il s’agit donc d’un mouvement réformiste qui condamne à la fois les pratiques de l’islam populaire, accusées d’être des « superstitions », mais également une grande partie de la réflexion théologique musulmane, considérée comme porteuse d’« innovations », c’est-à-dire de créations de la raison humaine s’éloignant du message divin. Les salafistes refusent également toute influence occidentale, en particulier la démocratie et la laïcité, qu’ils accusent de corrompre la foi musulmane. En revanche, ils accueillent les technologies exportées par l’occident, tout en rejetant la science fondamentale notamment en biologie et en physique.

Ces deux courants sont rigoristes et iconoclastes, ce qui explique qu’en 2012, suite à l’insurrection au nord Mali, le mouvement Ansar Edine (financé en partie par le Qatar) s’implante dans la région de Tombouctou, détruit les mausolées des saints (superstition) et les manuscrits originaux des docteurs musulmans (connaissances nuisibles car innovantes).

Cette longue parenthèse religieuse doit être exposée car elle explique la nature du débat politique qui partage la société malienne. En effet, les divergences religieuses se substituent au débat politique qui en occident s’est affranchi (depuis peu) du divin.

Les relations privilégiées entre la France et la Quatar (pour respectivement des questions géopolitique et économiques) ne simplifient pas le rôle diplomatique de la France pour la question du Mali.

Le Mali, qui était une colonie française, a gagné son indépendance en 1960 et s’est rapproché économiquement de l’URSS dès l’origine. C’est pour cette raison que la Mali n’est pas un état de la France-Afrique.

A l’indépendance, en 1960, le régime socialiste de Modibo Keita (1915-1977) a muselé les wahhabites et imposé la laïcité

Mais la dictature conservatrice de Moussa Traoré qui lui succède en 1968 a inversé la tendance en favorisant les wahhabites qui avaient soutenu son coup d’Etat. Avec l’instauration de la démocratie en 1991, la création de partis religieux est refusée et les malékites sont remis en selle.

Le 19 novembre 1968, Moussa Traoré participe au coup d’État qui renverse le président Modibo Keïta. Il devient président du Comité militaire de libération nationale, puis chef de l’État.

Toutes les activités politiques sont interdites. Un régime policier est mis en place. Des agents de renseignements vont dans les écoles (le milieu scolaire et universitaire est en majorité hostile au régime militaire).

Le socialisme économique de l’ancien président Modibo Keïta est abandonné.

En 1972-1973, une sécheresse importante s’abat sur le Mali. L’aide internationale arrive mais l’argent est détourné.

En 1974, il fait adopter une constitution qui crée la Seconde République.

En mai 1977, l’ancien président Modibo Keïta meurt de façon suspecte en détention, entraînant une forte mobilisation. Le régime militaire réagit violemment en procédant à de nombreuses arrestations

Le 28 février 1978, Moussa Traoré fait arrêter le directeur de la Sûreté nationale et le ministre de la Défense qu’il accuse de préparer un complot.

Il propose d’aller vers une ouverture politique, ce qui lui permet d’acquérir le soutien de certains intellectuels comme Alpha Oumar Konaré qui acceptera le poste de ministre des Arts et de la Culture pendant quelques années.

En 1979, il crée l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), parti unique, ainsi que l’Union nationale des femmes du Mali et l’Union nationale des jeunes du Mali, organisations auxquelles respectivement toutes les femmes et tous les jeunes doivent alors adhérer.

En 1980, des manifestations étudiantes sont réprimées dans le sang.

En 1990, sont créés le Congrès national d’initiative démocratique (CNID) et l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA). Ces deux associations vont avec l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) et l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH) combattre le régime de Moussa Traoré et exiger le multipartisme.

Le 22 mars 1991, un soulèvement populaire est réprimé dans le sang.

Le 26 mars 1991, un coup d’État militaire renverse Moussa Traoré. Un Comité de transition pour le salut du peuple est mis en place avec à sa tête le Lieutenant Colonel Amadou Toumani Touré.

Du 29 juillet au 12 août 1991, il organise la conférence nationale (qui s’est déroulée du 29 juillet au 12 août 1991), puis des élections législative et présidentielle en 1992.

À l’issue de ces élections, il remet le pouvoir au nouveau président élu Alpha Oumar Konaré. On le surnomme alors le « soldat de la démocratie ».

En juin 2001, il est l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, en République centrafricaine, après un coup d’État manqué contre Ange-Félix Patassé.

Le 1er septembre 2001, il demande et obtient sa mise en retraite anticipée de l’armée. Il décide de se lancer dans la vie politique en posant sa candidature pour l’élection présidentielle de 2002. Il est élu président de la République le 12 mai 2002 avec 64,35 % des voix au second tour. Son adversaire, Soumaïla Cissé, ancien ministre, obtient 35,65 % des voix.

Sa présidence est assez atypique. Il n’appartient à aucun parti politique et son gouvernement regroupe tous les partis du pays. Lors de son élection en 2002, il nomme Ahmed Mohamed ag Hamani comme Premier ministre. Celui-ci démissionne le 28 avril 2004 et est remplacé par Ousmane Issoufi Maïga.

Amadou Toumani Touré annonce sa candidature à l’élection présidentielle malienne de 2007.

Soutenu par de nombreux partis politiques, dont quatorze sont rassemblés à l’initiative de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adéma/Pasj) et de l’Union pour la république et la démocratie (URD), au sein de l’Alliance pour la démocratie et le progrès (ADP) mais également par le Mouvement citoyen et plusieurs associations, le président sortant a axé sa campagne sur son bilan qu’il qualifie de positif, sur son modèle de gouvernance basé sur le consensus et sur un programme pour le développement économique et social autour de neuf priorités :

  • le renouveau de l’action publique en matière de démocratie et de gouvernance,
  • une plus forte croissance économique avec à la clef un taux de croissance d’au moins 7% l’an,
  • le développement du secteur privé ;
  • celui des ressources humaines ;
  • l’emploi des jeunes ;
  • une plus grande implication des femmes dans le développement ;
  • le soutien aux initiatives culturelles et au sport ;
  • la participation des Maliens de l’extérieur au développement du pays;
  • l’institution d’une diplomatie plus agressive.

Lors d’un meeting à Koulikoro, il a annoncé un programme d’embauche de 50 000 jeunes dans la fonction publique.

Amadou Toumani Touré a été réélu président de la République le 29 avril 2007 dès le premier tour. Il a obtenu 71,20 % des votes

Dans la nuit du 21 au 22 mars 2012, un peu plus de deux mois avant la fin de son mandat, il est renversé par un coup d’État. Les mutins du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État, dirigé par le capitaine Amadou Sanogo, dénoncent la gestion du conflit au nord Mali entre l’armée et la rébellion touareg. Ce coup d’État intervient dans un contexte où la prochaine élection présidentielle, à laquelle le président Touré ne se représentait pas, était prévue pour le 29 avril 2012, élection couplée avec un référendum constitutionnel.

Le 8 avril 2012, il annonce officiellement qu’il démissionne de ses fonctions présidentielles.

A partir de 1991, le Mali a incarné le discours de la Baule de François Mitterrand qui prétendait privilégier les régimes vertueux. Le Mali est devenu le faire-valoir d’une politique française différente en Afrique. A l’époque, on magnifiait le rôle actif de la société civile malienne.

Le discours de La Baule, écrit par Erik Orsenna et prononcé par François Mitterrand, le 20 juin 1990, dans le cadre de la 16e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France

Ce discours marquera une date importante dans les relations entre la France et l’Afrique, 37 pays africains étaient invités à La Baule en 1990.

« Le vent de liberté qui a soufflé à l’Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud (…) Il n’y a pas de développement sans démocratie et il n’y a pas de démocratie sans développement. »

Alors que les relations avec l’Afrique s’étaient, dans un contexte de Guerre Froide (post décolonisation), fondées sur une sécurisation des approvisionnements sans réelle considération pour le respect des droits de l’homme et de la démocratie, le Discours de La Baule représente un pas en avant vers la conditionnalité des échanges. Les pays d’Afrique sont désormais invités à accélérer leur processus de démocratisation en vue d’une pérennisation des échanges avec le Nord.

Les signes de démocratie réelle mise en place parAmadou Toumani Touré, masquait en fait le libéralisme économique et l’affaiblissement de l’Etat malien en construction qui lève peu d’impôts car il n’y a pas de développement économique suffisant donc pas de redistribution.

Sous prétexte de se désendetter, sous pression du FMI, l’Etat a effectué un libéralisme économique (voir le programme de 2007) en allégeant ses politiques sociales.

C’est ce mécanisme, fondamental et qui prend ailleurs des noms différents (rigueur, etc…), qui permet le délitement de l’état qui se replie sur des fonctions régaliennes qu’il a d’ailleurs du mal à assumer.

Ce mécanisme s’est produit historiquement en Egypte (le rôle social des Frères musulmans) et se produit à divers degré dans des pays occidentaux avec des associations caritatives religieuses (exemple des USA). Il suffit de créer une idéologie ultra libérale (dont les libertariens sont une forme de caricature) minorant le rôle de l’état (Angleterre, droite républicaine française) pour enclencher un processus de délitement du politique.

Dans un contexte économique défavorable, ce processus obtient l’agrément du peuple. La phase suivante est le retour du religieux (le plus extrémisme) dans la sphère publique qui achève ce processus.

Evidemment, un état faible ou inexistant profite à une oligarchie nationale et permet à un échelon mondial un libéralisme sauvage qui en se mondialisant rend le rôle de l’état inutile.

La santé, l’école, le développement, ont été confiés à une « société civile » artificielle travaillant pour des ONG financées de l’extérieur. Ce fonctionnement a nourri une nouvelle bourgeoisie déconnectée de la réalité.

Au Mali, l’état est perçu comme une entité lointaine qui gouverne par une élite composée de gens qui « savent » et dont l’action est perçue parfois à juste titre comme une prédation (le souvenir de la disparition des aides alimentaires de 72-73 renforce cette perception).

La société malienne vit en équilibre instable entre ce pouvoir de prédation de l’Etat et un pouvoir de pondération que l’Etat organise en partie par le religieux.

Le processus démocratique a créé un espace de compétition pour les religieux car il a verrouillé le débat politique avec une idéologie consensuelle. Un « espace d’interpellation démocratique » entre la société civile et l’Etat avait été formalisé par le régime, mais il fonctionnait à huis clos. De ce fait, les débats sociétaux ont glissé vers la sphère religieuse.

Les seuls espaces d’interpellations démocratiques sont les grandes manifestations religieuses. On a abouti à une polarisation entre l’Etat et l’islam.

La démocratisation, en introduisant de la compétition dans la sphère islamique, a entraîné le transfert de la chose politique vers le religieux. C’est là que l’on discute du statut de la femme, de l’excision, de la polygamie, de la peine de mort, du chômage, de l’absence de justice.

Il n’y a pas d’autre lieu où le peuple peut débattre, dans les langues nationales. N’oublions pas que 75 % des Maliens sont analphabètes et que 92 % ne maîtrisent pas le français.

En 2009, le président Amadou Toumani Touré avait dû retirer sa réforme du code de la famille qui allait dans le sens de l’égalité hommes-femmes.

Pour les pratiques sociales, et malgré une constitution laïque, c’est la norme islamique qui est en vigueur au Mali.

Il existe une loi civile, mais en réalité, on se marie, on est inhumé, on hérite selon la charia et la Loi n’intervient qu’en cas de conflit.

Sous l’influence du malikisme, la charia régule la vie sociale (tout comme en occident le christianisme le fait). Néanmoins, les peines « dures » n’étaient pas appliqué (lapidation, amputation, etc)…

Les droits nouveaux pour les femmes, que prévoyait la réforme, contredisent ces règles de l’islam, d’autant qu’elles sont imposées sous pression des bailleurs de fonds étrangers.

Au moment du coup d’état du 22 mars 2012, les composantes religieuses de l’état malien sont les suivantes :

  • Le Haut Conseil islamique du Mali (HCIM) est dominé par un wahhabite, Mahmoud Dicko quia conquis la présidence de cette instance en 2008 et a acquis une popularité en obtenant le retrait du nouveau code de la famille déjà voté ! En 2011, il a réussi à faire nommer un membre du HCIM à la présidence de la commission chargée d’organiser les élections. Après le coup d’Etat de 2012, son immixtion dans la sphère politique s’est accentuée avec la création d’un « ministère des affaires religieuses et du culte » confié aussi à un membre du HCIM. Ainsi, un « parti wahhabite » défendant l’idée d’une République islamique s’est constitué au Mali avant même l’offensive des islamistes du nord.
  • L’ennemi historique des wahhabites maliens, c’est Chérif Ousmane Madani Haïdara et son mouvement Ansar Eddine qui, fin 2011, a créé sa propre organisation rassemblant les responsables malékites. Lorsqu’un mouvement rebelle combattant au nord a adopté le même nom, sans aucun lien, l’image de Chérif Haïdara a failli être brouillée.

Les positions des composantes religieuses maliennes sont symétriquement opposées :

En Juillet 2012,

  • Mahmoud Dicko :

– Hésitait à condamner la destruction des mausolées de Tombouctou,

– Disait vouloir discuter les modalités raisonnables d’application de la charia exigée par les rebelles.

  • Chérif Haïdara :

– Dénonçait fermement la destruction des mausolées de Tombouctou,

– Affirmait son refus de voir la charia politique au Mali. Défendant la laïcité, il souligne que des non-musulmans vivent au Mali et qu’il faut garantir    leurs droits.

 

Depuis l’intervention de la France :

  • Mahmoud Dicko  n’a eu de cesse de vouloir négocier « entre musulmans » avec les rebelles d’Ansar Eddine, conformément à son idéal de République islamique. Mais depuis que la rébellion est passée à l’offensive, il a affirmé son soutien à l’armée malienne avant de rallier le sentiment populaire en affirmant « soutenir sans réserve l’intervention française ».

Mais actuellement, il souligne que l’intervention française n’est pas une « guerre contre l’islam », s’inscrivant là dans le conflit occulte que se livrent l’Arabie saoudite et le Qatar sur le front des islamismes.

  • Chérif Haïdara considère qu’il faut lutter par tous les moyens contre cette charia politique ; quiconque aide à restaurer la souveraineté est bienvenu. Sa démarche est identitaire, il défend un islam afro-centré, sans complexe à l’égard des Arabes et autonome vis-à-vis de l’Etat. Mais cela ne l’empêche pas d’accueillir favorablement l’intervention française pour autant qu’elle vise à aider à rétablir l’unité du pays.

Apparemment, il n’existe pas de soutien populaire aux islamistes du nord. Mais il faut nuancer en ce qui concerne la refondation de l’Etat sous l’égide d’une norme islamique.

Si la guerre peut être gagnée sous la pression de la France et indirectement des Etats Africains et de l’Europe, des questions se posent quant à la suite politique de l’après conflit :

  • Primauté de l’Islam africain ou arabe,
  • Issues institutionnelles possibles,
  • Impact de la guerre sur les religieux,
  • Reconstruction de l’état,
  • Aide désintéressée au développement économique.

Primauté de l’Islam africain ou arabe

Le nord, comme le sud du Mali, sont de tradition malékite, tandis que les deux principales entrées du wahhabisme sont Bamako, au sud, et Gao, au nord. L’enjeu est le choix entre un islam qui se vit comme ouvert sur la diversité des cultures et un autre qui le vit de façon arabisée en idéalisant « l’Age du Bonheur » des premiers temps de l’islam.

Issues institutionnelles possibles

Une restauration du régime antérieur discrédité est peu probable et celle de la création d’une République islamique n’est plus en phase avec les événements. C’est en ce sens que l’on peut dire que les opérations militaires ont changées la donne.

Reste une troisième voie : la reprise du projet de décentralisation qui passerait cette fois par une certaine autonomie des régions.

Mais la guerre risque de désigner un vainqueur : l’armée malienne va capitaliser la victoire et, avec elle, la classe politique qui la soutient.

Donc un risque de restauration existe, une élite sociale nouvelle ne s’invente pas en quelques mois.

Impact de la guerre sur les religieux

La guerre vise la reconquête du pays et sa libération mais l’idée d’un retour à la distinction entre politique et religieux domine. Néanmoins, l’activisme wahhabite ne va pas disparaître du jour au lendemain. Il reste à savoir si la guerre aura sur lui un effet destructeur ou mobilisateur.

Quand les djihadistes sont entrés dans les grandes villes du nord, ils ont débarrassé les populations des exactions des Touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Ils ont rétabli une forme de droit, d’ordre et de justice. Mais ils ont aussi forcé les femmes à se voiler et interdit de fumer.

Il reste à désamorcer les mouvements Touareg qui actuellement est divisés sur question de la lutte armée.

Aujourd’hui, ces Maliens du nord vivent les événements avec un sentiment de libération. Le problème, c’est l’après. Aujourd’hui ces populations veulent que les rapports avec l’état changent.

Reconstruction de l’Etat

Période de transition entre le conflit et la paix : éviter les exactions de tout bord.

Mobiliser les élites afin de créer une société civile.

Actions de sensibilisation contre la corruption (à l’image du Burkina Fasso).

Mettre en place la démocratie en déplaçant le débat de la religion vers la société civile.

Organiser de sélections libres et laïques en ne laissant pas de place au religieux.

Proposer un fédéralisme entre le nord et le sud et/ou proposer un roman historique commun dont cette guerre pourrait être un des maillons.

Faire vivre la laïcité avec un code de la famille et de la femme (modèle de la journée de la femme du Burkina Fasso).

Construire des institutions démocratiques efficaces là où elles manquent sur le modèle français qui est relativement connu au Mali.

Pour l’Europe, faire une armée Européenne dont l’idée émise par Mitterrand n’a pas évolué depuis la création du bataillon franco-allemand.

Aide désintéressée au développement économique

L’accueil des soldats français a été spectaculaire alors qu’il existait des crispations, dont celles liées à l’immigration ou au procès colonial.

Cette réaction populaire s’explique par le sentiment des Maliens d’avoir frôlé la catastrophe.

La France a réveillé des liens historiques que les deux pays s’attachaient à ne pas manifester. L’histoire s’est renouée. Quelle que soit la manière dont ce sentiment va évoluer, ce rapprochement laissera des traces.

L’intervention nous donne des responsabilités énormes et coûteuses car le Mali n’a pas les ressources pour se reconstruire économiquement.

Ce redressement doit être pensé par ceux qui y ont intérêt et l’Europe a un intérêt symbolique à ce changement. Le Mali devra être accompagné financièrement. Pourquoi la France, qui n’a pas d’intérêt économique, ne serait-elle pas légitime à faire vivre le discours de la Baule ?

Le MUP soutient sans réserve l’intervention Française au Mali, une intervention humaniste au vu des exactions perpétrées par les djihadistes sur la population Malienne.

Néanmoins le départ des troupes françaises devra se faire en concertation avec l’Etat Malien,l’UA et l’ONU pour le maintien d’une force d’interposition afin d’éviter tout retour des forces djihadistes.

Le MUP restera ainsi vigilant quant aux conditions de départ des troupes françaises du sol malien.

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