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Autorisation de la prolongation de l’intervention des forces armées en Libye

images Comme l’article 35 alinéa 3 de la Constitution l’y oblige, le gouvernement a sollicité le Parlement pour prolonger l’intervention militaire de la France en Libye. Un premier constat : si le gouvernement demande une prolongation, c’est que les buts fixés à l’intervention n’ont pas encore été atteints et qu’il faut un délai supplémentaire.

Réunis à Paris en mars dernier, les membres du Conseil national de transition libyen assuraient pourtant que l’intervention en Libye ne devrait pas durer plus d’une quinzaine de jours. Quatre mois plus tard, les moyens militaires déployés sont considérables, l’intervention militaire s’éternise, le conflit s’enlise et il n’y a aucun règlement politique et diplomatique en vue.

Adoptée le 17 mars 2011 par le Conseil de sécurité des Nations Unies grâce à l’abstention de la Chine et de la Russie, la résolution 1973 fixe le cadre juridique de l’intervention. Si cette résolution a fait l’objet alors d’un relatif consensus, il faut bien reconnaître que les choses ont bien changé. La Ligue arabe et l’Union africaine ont retiré leur soutien. La Russie considère que la résolution a été détournée de son sens. Les pays européens sont de plus en plus divisés. L’Allemagne a fait part de son hostilité à la poursuite de l’intervention militaire. L’Italie a demandé le 22 juin la suspension immédiate des hostilités. La Norvège a annoncé qu’elle mettra fin à partir du 1er août à sa participation aux opérations en Libye.

Les opinions publiques, à l’instar des Français, sont de plus en plus hostiles à la poursuite des opérations. En effet, un sondage récent de l’institut IFOP montre que 51% des Français désapprouvent l’intervention en Libye.

L’intervention militaire en Libye dissimule un certain nombre de mensonges et d’intentions non-avouées. D’abord, le 22 mars dernier, devant l’Assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, affirmait que l’intervention en Libye n’était pas une opération de l’OTAN. Pourtant, quelques jours plus tard, « les pays membres de l’OTAN assumaient la totalité de l’opération militaire en Libye dans le cadre de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU », dixit le secrétaire général de l’OTAN.

Par ailleurs, initialement, la résolution 1973 du Conseil de sécurité définissait le principe d’une intervention par tous moyens, à l’exception d’une intervention terrestre. Par ailleurs, le texte permettait l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne et d’un embargo sur les armes. Bien que la résolution ne fixât aucun calendrier ni aucun objectif précis, il est manifeste qu’elle ne contenait également aucune référence au renversement du régime libyen. D’un point de vue strictement juridique, toute opération qui viserait le colonel Kadhafi dans le but de le renverser serait considérée comme illégale, au regard du contenu du mandat des Nations Unies.

Or, il semble que cet objectif soit devenu, pour la France et le Royaume-Uni, une priorité. En passant d’une intervention humanitaire visant à protéger les civils à un soutien et à une protection des rebelles armés, les forces de la coalition se trouvent dans une situation difficile. En effet, la victoire de la coalition est dorénavant intimement liée au renversement du régime libyen. En plus des opérations aériennes, la France a entrepris des largages d’armes à destination des opposants au régime. Et ce, en contradiction avec l’embargo sur les armes que la France a appelé de ses vœux, mais également en contradiction avec la position commune de l’Union européenne sur l’importation et l’exportation des matériels de guerre, adoptée par les États membres en 2008 sous présidence française de l’Union.

Les opinions publiques prennent peu à peu conscience des véritables raisons qui nous poussent à intervenir en Libye. Loin de toute considération humanitaire ou démocratique, la France essaie simplement de défendre des intérêts économiques et stratégiques, mais s’évertue aussi à se racheter une image après son attitude ambiguë face aux mouvements populaires de Tunisie et d’Égypte. Le gouvernement et le président de la République essaient aussi sans doute de se racheter une conduite après tant de compromission avec le régime Kadhafi : faire une démonstration de force pour se débarrasser d’un ancien allié encombrant et faire ainsi oublier tous les honneurs qui lui ont été réservés en décembre 2007 par le pouvoir en place.

Dans cette situation tendue et brouillée, la France doit rester prudente et prendre du recul à l’égard de la guerre civile libyenne. La précipitation avec laquelle le président Sarkozy a reconnu le Conseil national de transition (CNT) est particulièrement inquiétante. En effet, nombre de diplomates, d’agents de renseignement, de spécialistes des relations internationales s’accordent pour reconnaître, dans la nébuleuse d’organisations politiques formant ce CNT, un seul point de convergence :la volonté de vengeance envers le régime. Nicolas Sarkozy, sur les traces de Bernard-Henri Lévy (grand spécialiste autoproclamé de tout), a pris un risque certain, sans mesurer les conséquences qui pourraient en découler.

En effet, dans un rapport élaboré par deux instituts spécialisés dans les relations internationales – le Centre international de recherche et d’études sur le terrorisme (CIVET) et le Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) – de mai 2011 intitulé « Libye : un avenir incertain », la composition et les objectifs du CNT sont plus qu’inquiétants : Le CNT s’affirme n’être qu’une coalition d’éléments disparates aux intérêts divergents, dont l’unique point commun est leur opposition déterminée au régime. Les véritables démocrates n’y sont qu’une minorité, et doivent cohabiter avec d’anciens proches du colonel Kadhafi, des partisans d’un retour de la monarchie et des tenants de l’instauration d’un islam radical. Le CNT n’offre, en conséquence, aucune garantie pour l’avenir, malgré la détermination des démocrates, car les autres factions entendent bien orienter le conseil dans le sens de leurs objectifs.

Cette intervention militaire, sous l’égide de l’OTAN, s’apparente pour le monde arabo-musulman à une guerre de l’Occident contre l’Orient. Cela risque fort d’entraîner un renforcement des sentiments de haine et de légitimité des « guerres saintes ». Le rapport précité affirme d’ailleurs que « la Libye est le seul pays du « printemps » arabe dans lequel le risque islamiste s’accroît, la Cyrénaïque étant la région du monde arabe ayant envoyé le plus grand nombre de djihadistes combattre les Américains en Irak. Il semble donc que les puissances occidentales ont fait preuve d’un aventurisme excessif en s’engageant dans cette crise. (…) L’intervention occidentale est en train de créer plus de problèmes qu’elle n’en résout. Elle risque fort de déstabiliser toute l’Afrique du Nord, le Sahel, le Proche-Orient, et de favoriser l’émergence d’un nouveau foyer d’islam radical, voire de terrorisme, en Cyrénaïque.

La coalition parviendra peut-être à éliminer le guide libyen. Mais l’Occident doit prendre garde qu’il ne soit pas remplacé par un régime plus radical et tout aussi peu démocratique. On n’impose ni la paix, ni la démocratie par la force des bombes. Il est temps pour la France de retrouver sa tradition diplomatique. Celle fondée sur la souveraineté des États, la libre autodétermination des peuples, le respect du droit international. Loin d’une diplomatie conçue par Nicolas Sarkozy comme un réservoir de VRP pour faire du business. La poursuite des hostilités est une grave erreur.

Il est grand temps de changer de braquet. Nous exigeons un cessez-le-feu immédiat sous contrôle des Nations Unies. L’OTAN doit se retirer. La diplomatie doit reprendre ses droits. Une conférence internationale doit se tenir sous l’égide des Nations Unies pour engager un dialogue impliquant toutes les composantes de la société libyenne et pour aboutir à la réunion d’une Assemblée constituante et à la tenue d’élections démocratiques. En tant qu’organisations internationales à vocation régionales, la Ligue arabe et l’Union africaine doivent être étroitement associées. Pour permettre un dialogue serein et apaisé entre les Libyens et les partenaires, il est nécessaire que les bombardements cessent.

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