Christine Lagarde devra faire face à la justice… Il n’y a là rien de plus normal et une décision inverse aurait tout simplement relevé du scandale. Que cette décision fasse débat devant les aléas judiciaires de cette affaire est même étonnant. En effet, celle-ci rebondit à un moment où « experts » et agences de notation ne cessent de nous faire faire la leçon de bonne gestion et se permettent d’adresser bons et mauvais points à celles et ceux qui, à tous niveaux, gèrent des deniers publics
L’affaire Tapie est peu de chose, financièrement, par rapport aux sommes injectées pour venir en aide à un système en déroute. Mais elle est révélatrice d’une dérive touchant des appareils politiques aujourd’hui obnubilés par des dogmes qui s’imposeraient à tous. Que la puissance publique rembourse plusieurs centaines de millions d’euros une aventure privée relèverait de l’aide à l’esprit d’initiative alors qu’un lit de maternité, le 115, une employée de Pôle emploi sont considérés comme des charges insupportables pour nos sociétés, des exemples de mauvaise gestion. Les indemnités versées à Bernard Tapie représentent deux années de salaires de l’ensemble des dizaines de milliers de postes d’enseignants supprimés depuis trois ans au nom, entre autres, de la sacro-sainte maîtrise des dépenses publiques. N’y a-t-il pas là matière à débat ?
Au moment où le président de la République s’adresse à tous les parlementaires du pays en assimilant la gestion d’un État à celle d’un foyer pour abuser, une nouvelle fois, le bon sens populaire, les principales réactions portent plus sur l’aspect constitutionnel de la démarche présidentielle que sur ses conséquences futures, notamment sociales. N’est ce pas là une forme d’abandon du politique ?
Dans ce climat de crise, la gauche responsable se doit de faire rêver. Cela ne veut pas dire promettre n’importe quoi, mais simplement montrer qu’elle ne se laissera pas enfermer dans un prétendu « réalisme » économique voué à l’échec.
Les répercussions de la crise de 2008 et la nouvelle tempête financière sont révélateurs de l’échec d’un président qui n’avait guère que son « rôle » dans le prétendu règlement de la crise internationale à mettre à son crédit. Un nouveau leurre. Ne serait-il pas bienvenu de montrer que la présidence Sarkozy est une impasse plutôt que d’apparaître dépendants de principes politiques que celui-ci voudrait nous imposer ?
Le bilan globalement négatif des communismes d’État, l’échec des expériences social-démocrates et l’atrocité d’un capitalisme clouant au pilori des milliards d’êtres humains et des continents entiers, imposent à tous un devoir d’inventaire mais ne sauraient priver celles et ceux qui ont la gauche au cœur de revisiter le rôle du politique en lui redonnant du sens.
Le refus de voir des agences de notation venues de nulle part, susceptibles de mettre en émoi le monde entier et d’instaurer un climat de panique pour des motifs irrationnels, indépendantes des États mais pas des marchés financiers, et le refus de laisser penser que l’économie dominerait « naturellement » le monde serait un premier sursaut salutaire.
Ne pas le faire signifierait qu’au-delà de la réalité de la crise et de ses conséquences sur les capacités du pays à répondre aux urgences sociales, il serait criminel de prétendre améliorer la vie en restant sous le joug de dogmes empêchant toute amélioration réelle.
Il y va aussi de la moralité en politique.