C’est, une fois n’est pas coutume, avec la meilleure bonne foi du monde que chacun des prétendants au trône républicain, de gauche (Royal, Hollande, Valls, Montebourg…) comme du centre (Morin, Boorlo, Bayrou) [l’affaire semblant réglée à droite avec un prétendant unique : le président actuel] s’estime, non pas plus apte mais aussi apte que tous les autres (qui sont dans la même estime de soi), à assumer, le moment venu, les plus hautes charges de la République. Dans cette « société des individus », selon la formule de Norbert Elias, chacun, ayant absorbé, de tous ses pores, l’esprit égalitaire, se vit, en toutes choses, l’égal de tous les autres : c’est ce que j’ai nommé dans mon dernier livre, lui donnant son titre : L’individualisme démocratique. 1
Les conséquences sont dramatiques. Pour n’en citer qu’une, sans doute la principale, je mentionnerai le rejet, comme critères de sélection des « élites » républicaines, à la fois des capacités réelles, des expériences acquises, en un mot des talents et des vertus de chacun des hommes et femmes en compétition.
Ce n’est donc pas à une bataille d’« egos » à laquelle nous assistons avec la multiplication, au PS, des candidatures à la candidature. L’ego, générateur d’égotisme, est un travers psychologique qui affecte certains individus dans tous types de sociétés. Il ne s’agit pas de ce travers en l’espèce. Avec cette lutte acharnée d’un régiment d’« individualistes-démocrates-souverains », qui aspirent au pouvoir suprême, chacun étant convaincu d’avoir, sur tous les autres, les mêmes droits à concourir, nous sommes plutôt face à un travers social : l’« individualisme » devenu sans freins dans la post-modernité. De cela, nous sommes désormais les spectateurs amusés ou désabusés, c’est selon. Mais attention, si la droite est aujourd’hui épargnée, c’est qu’elle dispose en Nicolas Sarkozy d’un « bouclier politique », pour l’heure, à toute épreuve. Ce n’est, je le redis, qu’un répit : dès 2017, le bal des « egos » droitistes s’ouvrira à son tour, avec la même bruyance qu’à gauche aujourd’hui. Les Fillon, Copé, Alliot-Marie, et d’autres sans doute, attendent leur heure ; elle viendra à coup sûr. Pour notre plus grand malheur !
1 Ed. L’œuvre, 2009.