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Géopolitique et droits humains, des questions essentielles au MDP !

Texte d’introduction à la Table ronde sur la géopolitique et les droits humains organisée le samedi 8 octobre 2022 sur la péniche El Alamein

Le MdP a engagé une réflexion sur les sujets régaliens depuis plusieurs années et il est important de l’actualiser avec nos partenaires dans le contexte géo-politique. Je précise que les éléments de réflexion apportés ici prolongent une présentation en plénière effectuée aux journées d’été EELV, l’an passé à Poitiers. La guerre en Ukraine, de forte intensité, n’est hélas plus une hypothèse. Elle vérifie le retour de la barbarie à nos portes avec une possible extension.  Aussi, il s’agit désormais d’arrimer notre politique de défense dans le cadre européen, sans barguigner, en renforçant une diplomatie européenne indépendante pour créer un dialogue stratégique, préalable à une défense commune.

Une menace multiforme.

La question n’est plus de savoir si la désinhibition des comportements bellicistes d’états impérialistes va avoir lieu. C’est en cours, en raison de l’actualisation du propos de Clausewitz selon lequel « la guerre est une poursuite de l’activité politique par d’autres moyens ». Avec naïveté, beaucoup d’européens considéraient en effet que la fin des guerres inter- étatiques entre les grandes puissances resterait gravée dans le marbre. Cette représentation semblait négliger la dépendance aux énergies fossiles, gaz et pétrole russe en particulier, incontournables pour développer l’activité productive, tout particulièrement en Allemagne. Cependant il n’y aura pas de retour possible en arrière : la consommation d’énergies fossiles croît plus vite que la découverte de nouveaux gisements (pic de Hubbert dépassé) et la demande mondiale s’accélère avec les besoins exponentiels de la Chine et de l’Inde. La situation de la France n’est guère plus enviable que celle de l’Allemagne, en raison du retard considérable pour développer les énergies renouvelables et compenser le fiasco du nucléaire, dispendieux et intermittent.

 Alors « faut-il mourir pour Dantzig ?  » Notons que cette expression préfigure la lâcheté résignée du « plutôt russe que mort » après 45 ? Nous considérons que l’OTAN, créé en 1949 par le traité de Washington, constitue un vestige de la guerre froide. La vertu de cette organisation militaire intégrée aura pourtant été de mettre fin au conflit du Kosovo, sous l’aval du Conseil de sécurité. Cependant, avec la fabrication idéologique d’un ennemi, la primauté du droit international est très souvent bafouée. Saluons à cette occasion le non-alignement de Dominique de VILLEPIN qui a courageusement refusé l’intervention militaire alliée en Irak devant l’assemblée de l’ONU en 2003. Mais la France a t-elle développé depuis une pensée stratégique autonome et une défense crédible ?.

Dans le contexte actuel, quelle serait notre attitude collective en cas d’invasion d’un pays balte membre de l’UE et de l’OTAN par la Russie ? Quels seraient les intérêts vitaux impliqués pour la France, nécessitant d’engager l’armement nucléaire ?

Le recours à une stratégie hybride avec l’envoi de mercenaires et de milices privées (Wagner), vient de plus fragiliser les relations économiques et la coopération de la France. Ces manoeuvres de diversion profitent des antagonismes régionaux pour déstabiliser un peu plus des pays, tels la Libye ou la Centrafrique. Dans l’Océan indien, c’est la Chine qui tente de contrôler les voies maritimes dans les eaux internationales permettant le commerce, mais également de conquérir des îles dans le Pacifique oriental pour constituer des bases militaires. A ces tensions régionales, s’ajoute la menace terroriste, toujours prégnante en Europe.

Une cohésion occidentale fragile, une ré-orientation nécessaire de la gouvernance et de l’action de l’armée française.

Avec 1035 milliards de dollars pour leurs armées, les pays de l’OTAN sont toujours à la remorque des Etats-Unis. Cette somme représente plus de la moitié des dépenses mondiales en 2021. Le budget de la défense de l’UE s’élevait à 274 milliards de dollars avant la guerre en Ukraine. Celui-ci est désormais en forte augmentation car chaque pays de l’UE devrait porter le budget des armées à 2% du PIB. Cet effort considérable, mais nécessaire, s’effectue au détriment d’autres lignes budgétaires (Santé, éducation…), sans véritable débat au Parlement. Avec lucidité, les peuples d’Europe craignent avec raison une situation qui leur échappe et constatent que les guerres menées en Syrie, Iraq, Afghanistan par l’armée américaine et ses alliés n’ont pas permis de rétablir la souveraineté des peuples, ni l’état de droit dans le cadre des conventions internationales.

La France, 7 ème puissance militaire mondiale, consacre un budget de 39,2 milliards d’euros dans le cadre d’une loi de programmation (2019-2025), avec un effectif de plus de 268 000 personnes dépendant du ministère. On approche donc des 2% du PIB (soit 41 milliards). A cela s’ajoute l’autorisation d’engagement de commandes (nouveaux matériels) pour 44,7 milliards. Les forces armées se sont professionnalisées depuis la suspension du service national (1979) et renforcées par la reconstitution des effectifs depuis le livre blanc de la défense (2013) remis à François Hollande dont le but était de dégraisser les effectifs. Il est donc temps de changer de doctrine pour ancrer notre politique de défense dans le cadre d’un renforcement des capacités diplomatiques de l’Union européenne.

Dans le contexte des efforts demandés à notre nation, il est aussi permis de s’interroger sur les OPEX de nos armées. L’opération Barkhane signe l’échec de notre intervention militaire au Mali, mal préparée pour appréhender les fortes disparités régionales en termes de développement, ignorant le clivage entre nomades et sédentaires vivant de la culture vivrière, les disparités culturelles entre Peuls, Dogons et Bambara, fermant également les yeux sur le détournement des aides publiques et la corruption généralisée. A cela s’ajoute le djihadisme qui prospère sur fond de trafics et de racket des populations. Cet épisode souligne aussi notre difficulté à entrainer des partenaires européens sur ce type de terrain, conséquence directe : il n’y a plus de force de « réaction rapide ». Nous aurions déjà du  tirer le bilan de l’opération épervier au Tchad (1986-2014) sollicitée par le gouvernement tchadien en raison des incursions lybiennes. Le mouvement pendulaire de notre diplomatie pour soutenir alternativement le pouvoir de Goukouni Oueddei et Hissène Habré n’avait déjà pas permis de soutenir un Etat au service des populations. Un strict contrôle parlementaire reste nécessaire à nos yeux afin de calibrer une coopération décentralisée dans les domaines vitaux (Santé, Education, agronomie pour l’auto-suffisance alimentaire…) préalable à une éventuelle intervention militaire, en dernier recours.

L’ingérence économique (cimentier Lafarge pourvoyeur de fonds à Daech par exemple) et la prédation des grands groupes industriels où l’Etat est présent (Total, Bolloré international…) ainsi que la politique néo-coloniale (Togo, Congo-Brazzaville, Cameroun, Gabon..) qui perdurent doivent aussi cesser pour mettre fin aux illusions impériales de la « Françafrique ».

Les ventes d’armes, un cancer qui ronge la crédibilité politique européenne.

Outre le fait que les entreprises de défense concernent 200 000 emplois, il convient de prendre conscience que les ventes d’armes contribuent à l’équipement très onéreux de nos armées dans le cadre du budget. C’est donc grâce à la mutualisation des équipements qu’une Europe de la défense pourrait se construire.  Au contraire, une concurrence commerciale à outrance se déroule, ce qu’illustrent les scandales à répétitions des rétro-commissions pour arracher des marchés.

La vente d’armes à l’Arabie saoudite interfère directement sur le conflit au Yémen, avec de très nombreuses victimes civiles. Qu’en sera-t-il demain avec l’ Egypte si une guerre de l’eau oppose ce pays à l’Ethiopie ou au Soudan ?. Nous devons mettre fin à l’exportation d’armes vers des pays tiers qui ne respectent pas les droits humains fondamentaux ainsi qu’à la coopération militaire. Une commission parlementaire, avec droit de veto, devra désormais contrôler ces exportations.

Le multilatéralisme cohérent dans les décisions diplomatiques, la création d’un commandement militaire européen, l’inter-opérabilité des matériels, sont les conditions de la création d’une défense européenne seule en capacité de garantir l’autonomie stratégique et peser véritablement dans les négociations internationales pour un monde de paix.

Jean COUTHURES, Porte-parole national du Mouvement des Progressistes

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