Par Jean-Paul Maurice, délégué du MUP à l’Education.
Un constat largement partagé
Bien plus qu’une énième réforme de l’Éducation nationale, le Président de la République a assigné à « la refondation de l’école de la République » l’objectif de restaurer la place essentielle de l’école en tant que creuset des valeurs républicaines, comme vecteur premier de réduction des inégalités et donc de transformation sociale et surtout comme lieu d’apprentissage du vivre ensemble, de la coopération et du respect mutuel, véritables socles du pacte social. Pour ce faire, au-delà des premiers symboles politiques d’affirmation de l’attention portée à l’éducation et de la confiance réaffirmée à ses enseignants qu’ont pu être l’hommage à Jules Ferry et Marie Curie par François Hollande dès son investiture, Vincent Peillon a engagé une consultation, assez inédite par son ampleur, qui a permis aux animateurs du débat d’établir un rapport, rendu public en octobre dernier, autour duquel un large consensus s’est constitué. La méthode retenue, la qualité de la synthèse établie et surtout la pertinence des choix proposés pour tracer les grandes lignes de ce qui allait pouvoir devenir une loi d’orientation pour l’école étaient ainsi reconnues, faisant ainsi naître une très forte et très légitime attente de tous les acteurs du monde éducatif.
Les grands axes de la refondation
Replacer l’école primaire au cœur des préoccupations de toute l’action publique par la réaffirmation du rôle irremplaçable de l’école maternelle, instaurer au plus vite un dispositif de formation initiale et continue des enseignants dont la suppression a été une véritable catastrophe pour les générations futures, construire pour chaque élève un parcours scolaire plus fluide en évitant les ruptures brutales entre les différents niveaux d’enseignement, évaluer l’élève par la valorisation de réussites plutôt que sur le constat d’échecs, appréhender la vie de l’élève comme une succession cohérente de temps éducatifs… mais aussi créer les postes nécessaires pour mettre en œuvre le « plus de maîtres que de classes », véritable instrument de transformation des pratiques pédagogiques, réaffirmer l’importance des dispositifs d’aide précoce aux élèves en difficulté, redéfinir la notion d’éducation prioritaire, ouvrir largement la perspective des possibilités offertes par la révolution numérique dans le domaine de l’éducation, réaffirmer l’importance des enseignements artistiques et de l’éducation physique tout au long du parcours scolaire sont les principaux axes de loi d’orientation et de son annexe concernant l’école primaire (les textes seront présentés au parlement dans les prochaines semaines). D’autres mesures concernent le collège, l’enseignement professionnel, les problématiques d’orientation professionnelle, les dispositifs de lutte contre le décrochage scolaire… Cette priorité à l’école primaire, affirmée et assumée, ne doit toutefois pas laisser penser que les autres niveaux d’enseignement sont oubliés ou méprisés, les évolutions les concernant interviendront dans un second temps…
Un projet ambitieux confronté à une réalité difficile
On peut légitimement s’inquiéter aujourd’hui que la mise en valeur quasi-exclusive de la question des rythmes scolaires dans le débat public se fasse au détriment d’aspects plus fondamentaux, plus essentiels de la réforme et que ce point n’occupe qu’une ½ page dans le texte d’accompagnement de la loi d’orientation de 39 pages.
Personne ne peut aujourd’hui ignorer que le chantier sera mené dans une situation économique particulièrement tendue, en raison de la crise et de la lutte contre les déficits publics, ce qui limite les capacités d’intervention : alors qu’il est question de refondation, les moyens disponibles sont tout juste à la hauteur des réparations rendues nécessaires par la casse systématique de l’école à laquelle s’est livrée la droite pendant des années (souvenons-nous des 70 000 suppressions de postes, de la disparition des RASED, de la réduction de 3 h du temps scolaire de tous les écoliers, du fameux discours sur l’instituteur et le prêtre !…).
Pour le MUP, la refondation ne peut se concevoir qu’avec l’ensemble des acteurs
Le contexte que nous venons d’évoquer justifie largement le calendrier très contraint dans lequel les choses se mettent aujourd’hui en place : il y a aujourd’hui réelle urgence à reconstruire une Ecole de la République pour tous !
Pour autant, plus que jamais, le temps nécessaire doit être laissé à la concertation et à la construction d’un projet dans lequel chacun (parent, enseignant, élu responsable d’une collectivité territoriale…) aura clairement sa place : c’est une des conditions de réussite de cette démarche aussi ambitieuse que fondamentale. Aujourd’hui, nos craintes sont fortes de la voir mise en danger par des blocages de dernière minute, par l’insuffisance des instructions (parfois même contradictoires !), par l’absence de réponse à des questions simples, pratiques, immédiates.
Disons-le clairement, les enseignants, les parents, les élus doivent être entendus, leurs craintes légitimes doivent être levées, c’est au Ministre de l’Education nationale et à ses représentants locaux que revient cette tâche !
Le rejet massif du projet de décret concernant l’organisation du temps scolaire est de ce point de vue tout à fait révélateur : ni les fédérations de parents d’élèves, ni les organisations syndicales représentatives des enseignants, ni les associations d’élus n’ont pu approuver clairement le texte soumis à la consultation du CSE alors même que la plupart d’entre elles avaient approuvé le principe de la refondation et salué le travail mené en amont lors des phases de concertation !.. Concernant les enseignants, par exemple, il n’est pas concevable qu’aucune réponse positive ne soit apportée pour ce qui concerne leur temps de travail ou l’évolution de leurs rémunérations. Personne ne doit oublier que la profession, mise à l’index et stigmatisée par le précPosition du MUP sur la refonte de l’écoleédent pouvoir, doit retrouver l’assurance d’une professionnalité qui n’a jamais démérité, elle doit retrouver au plus vite la confiance que lui accorde la société pour mener à bien la mission de préparation de l’avenir qui est la sienne. Et cela passera tout naturellement, aussi, par des mesures salariales (interrogeons les 1 700 € mensuels de salaire d’un prof débutant au regard de son niveau de qualification à Bac+5).
Pour le MUP, tout va se jouer dans les prochaines semaines, au moment où les collectivités doivent s’inscrire dans la démarche pour la prochaine rentrée alors qu’elles bouclent leur budget 2013. Il y a donc impérieuse nécessité à ce que les fils du dialogue soient renoués au plus vite pour que la refondation de l’école, que nous attendons tous et dont le pays a besoin, se fasse avec l’adhésion, l’engagement et l’enthousiasme qu’elle mérite de la part de tous les partenaires concernés.