Evolution du numerus clausus et disparité du nombre de médecins en France

Insuffisance du nombre de médecins en France et mauvaise répartition sur le territoire

Il existe en France un problème d’insuffisance de médecins généralistes ou spécialistes et de leur mauvaise répartition sur le territoire, dont il résulte des « déserts médicaux » et l’impossibilité pour certains Français d’accéder à un médecin, dont l’agenda est saturé, quand sa patientèle n’est tout simplement pas « verrouillée », interdite à tout nouveau patient.
On compte 318 médecins pour 100.000 habitants en 2021, contre 326 en 2012. Cette baisse, accentuée par l’accès au 3ème âge depuis 2010 de la génération du baby-boom, plus consommatrice de soins que les autres tranches d’âge, produit une baisse sensible de la « densité médicale standardisée » (offre médicale par rapport à la demande). 6 millions de Français n’ont ainsi pas de médecin traitant. Cette situation continuera de se dégrader jusqu’en 2028.
Les médecins sont par ailleurs inégalement répartis sur le territoire, plus présents en Île-de-France, PACA, Alsace ou Bretagne, dans des régions offrant pour eux de meilleures conditions d’environnement, de loisirs ou de services. On trouve ainsi 354 médecins pour 100.000 habitants en IDF contre 241 en région Centre. Cette dysharmonie est encore plus marquée pour les spécialistes que pour les généralistes. 40 départements se trouvent sous le seuil critique de 40 spécialistes pour 100.000 habitants.
Quelles sont les causes de ces sous-effectifs et mauvaise répartition ?
La France n’a pas suffisamment produit de médecins depuis les années 1980. Pourquoi ? Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont fragilisé l’économie, créé du chômage, provoqué un « trou de la Sécu » (un chômeur ne cotise pas, ou moins), invité à réduire les dépenses de santé, donc le nombre de médecins, et conduit à l’instauration d’un « numerus clausus » en 2ème année de médecine, se réduisant d’année en année : depuis 8.280 étudiants en 1978 jusque 3.500 en 1993.
Le « papy-boom », accès des baby-boomers au 3ème âge depuis 2010, n’a par ailleurs pas seulement fait gonfler la demande de santé mais également conduit un nombre élevé de médecin à la retraite, de telle sorte que depuis 2020 plus de médecins partent en retraite qu’il n’en entre en formation. Ce pourquoi la « densité médicale standardisée » chute.
Ensuite, pourquoi les médecins sont-ils mal répartis sur le territoire ? Parce que leur lieu d’installation est libre, à la différence d’autres professions de santé comme les infirmiers, sages-femmes ou kinésithérapeutes, incités à s’installer en territoire déficitaire par une modulation du conventionnement de remboursement.
L’origine sociale favorisée – et donc urbaine (90 % des CSP+ habitent en zone urbaine ou rurbaine) – des étudiants en médecine les incite par ailleurs à s’installer plutôt en ville qu’à la campagne. Inversement, seuls les 2 % d’étudiants issus d’agriculteurs trouvent naturel de s’installer à la campagne.
Quel horizon ? L’insuffisance du nombre de médecins s’estompera à partir de 2030, parce que le numerus clausus a été relevé dans les années 1990, puis supprimé en 2020 et remplacé par un « numerus apertus », un quota minimum défini par chaque faculté selon les besoins du territoire, avec pour effet immédiat en 2021 une augmentation de 20 % des admissions en 2ème année. L’équilibre est attendu pour 2033, avec une augmentation des effectifs de 37 % pour 2050.
En attendant, comment pallier l’urgence ?
D’abord en déléguant certaines compétences médicales (injection d’un vaccin, délivrance d’un test…) à des infirmières, sages-femmes ou assistants médicaux, libérant d’autant l’emploi du temps du médecin.
Ensuite en restreignant la liberté géographique d’installation des médecins, mais laquelle mesure se heurte à la farouche opposition de l’Ordre des médecins, une opposition de blocage qui interroge sur la question de l’autorité politique.

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