Déclaration du Mouvement Progressiste (MUP) sur les retraites.
La retraite par répartition est une idée jeune. Dans quelques heures, Yannick Moreau remettra au gouvernement un rapport sur l’avenir des retraites. Fidèle à la ligne de conduite de François Hollande, les propositions seront ensuite soumises, dans le cadre du dialogue social, aux syndicats de salariés et aux organisations patronales. Un projet de loi est envisagé dès l’automne.
Avant même que l’on connaisse le document qui servira de base à la négociation, on assiste à un déferlement médiatique qui sonne l’alarme comme on sonne le glas des renoncements ou des trahisons annoncées. Un peu comme si l’on souhaitait dans certains lieux une confrontation dure entre le gouvernement et des salariés que l’on aurait préalablement chauffé à blanc. Le propos, ici, n’est pas de désamorcer une éventuelle mobilisation. Laquelle, dans tous les cas de figure, sera évidemment nécessaire, voire déterminante. Il s’agit de tenter d’établir un état des lieux, et une approche progressiste du problème.
D’abord, rappelons une des dimensions que peu de commentateurs évoquent : les pensions de retraite ne sont pas à mettre exclusivement dans la colonne des dépenses : elles constituent aussi un des leviers de la relance de la croissance. Les retraités consomment et participent de ce fait à conforter le niveau de la demande, et en bout de course, à l’effort économique en faveur du développement de l’emploi. D’emblée, on notera qu’existent cependant de fortes disparités. D’abord entre les pensions des femmes et celles des hommes : en moyenne ces derniers touchent une pension de 1617 euros, contre 782 euros pour les femmes. Disparités sociales aussi : 10% des retraités ont un niveau de vie inférieur à 913 euros par mois quand les 10% les plus aisés disposent de 2885 euros. Sans compter les retraites chapeaux… S’il ne saurait être question de déshabiller Pierre pour habiller Paul, on voit que des inégalités fortes existent au sein de la catégorie « retraité » qui est donc tout, sauf homogène. Ces inégalités sont la résultante des très fortes inégalités de revenus en vigueur parmi les actifs qu’un même taux de cotisation contributive ne suffit pas à atténuer ou corriger.
Ceci étant posé, de quoi l’urgence est-elle faite? Les réformes précédentes, notamment celle de 2010 de Nicolas Sarkozy, avaient dramatisé. L’objectif n’était pas tant de parvenir à un équilibre (de ce point de vue, tout reste à faire) que d’enfoncer un coin dans le système de répartition qui est un système de solidarité issu des luttes sociales des années 30 concrétisé à la Libération. Le but était d’y substituer un système par capitalisation, privilégiant « le chacun pour soi » au détriment de la solidarité, et dans lequel les marchés financiers auraient trouvé de nouvelles sources de profits. Au passage, la droite avait trouvé un prétexte pour réactiver une campagne idéologique ultralibérale visant à opposer les salariés du secteur privé aux fonctionnaires considérés comme des nantis. Or, s’il est vrai que le régime spécial des fonctionnaires peut paraître plus avantageux, tout alignement sur le secteur privé commanderait, en amont, un alignement des salaires et une prise en compte des primes dans le calcul des pensions. De plus, le COR souligne qu’en bout de course « Il n’y a pas de différence entre les fonctionnaires et les salariés du privé en termes de taux de remplacement ».
Selon le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), en 2011, le système de retraite présentait un surcroît de dépenses par rapport aux ressources de 14 milliards d’euros, soit 0,7% du Produit Intérieur Brut (PIB) qui mesure la richesse nationale. Est souvent évoqué l’effet du vieillissement de la population. Il est vrai que l’on vit en moyenne plus longtemps, encore faut-il nuancer en indiquant que la santé des retraités se dégrade depuis une dizaine d’années. Une statistique de l’INRED indique que l’espérance de vie sans incapacité a baissé de 10 mois en France de 2009 à 2010.
Le besoin de financement représenterait en 2020 de 0,9 à 1% du PIB. En 2040, ce besoin se situerait entre 0,2% du PIB et 2,4% selon les hypothèses les plus pessimistes. Au-delà de 2040, le COR, dans tous les cas de figure, et sans rien changer au dispositif actuel, prévoit un retour à l’équilibre. On est donc loin des scénarii catastrophes. Tout au plus un passage difficile. Ce passage est généré essentiellement par la crise actuelle. La question est donc celle du passage du cap dans le contexte de sortie de crise.
Contexte où il faut mobiliser les efforts pour le retour à la croissance avec le souci de l’emploi, en réduisant la dette tout en stimulant tout ce qui concourt à la compétitivité dans le processus du travail. Ce regard oblige à considérer les besoins de financement spécifique au système de retraite. Un regard progressiste commande de mettre tout sur la table. Avec un impératif de justice : que l’effort interroge et sollicite les capacités contributives de toutes les sources de financement actuelles ou à inventer du système. Sans tabou. Ce qui serait, en soi, une nouveauté.
Les ressources proviennent, pour l’essentiel, des cotisations sociales prélevées sur les revenus d’activités. L’instabilité ou la stabilité de l’équilibre de cette construction est lié à des facteurs démographique, économique et réglementaire : nombre de cotisants relativement au nombre de retraités, espérance de vie et âge moyen de départ en retraite, montant des pensions relativement aux revenus d’activité, taux et assiette des cotisations…
Les réformes engagées jusque-là agissaient sur l’âge de départ et la durée de cotisation. Une première proposition serait d’agir sur le taux et l’assiette. L’assiette pourrait prendre en compte les revenus financiers, y compris, avec des modulations spécifiques, ceux liés à l’épargne salariale. Dans le même esprit, on peut imaginer un taux modulable en fonction du montant des revenus d’activité.
Une seconde série de propositions pourrait concerner les retraités eux-mêmes en fonction de la réalité précédemment décrite sur les disparités des montants des pensions. Ainsi, des retraités pourraient être assujettis à une CSG d’autant plus élevée que le montant des pensions serait haut. Un barème pourrait être calculé pour préciser la pertinence et le rendement de cette proposition. Un système de taux flottant en fonction de la richesse créée pourrait être envisagé.
Ces seules mesures sont susceptibles d’apporter les financements nécessaires pour passer le cap, compte tenu que la sortie de crise et le retour à l’équilibre sur le marché de l’emploi génèreraient à moyen terme des financements supplémentaires. Il faut aussi prendre en compte la compétitivité des entreprises telle que le gouvernement a décidé de la stimuler avec le CICE.
Ce dispositif aurait l’avantage de préserver définitivement l’âge légal de départ à la retraite, voire de l’abaisser en fonction de l’évolution favorable du PIB. Enfin dans l’esprit des contrats de génération, associé à celui étayant la proposition portée par la gauche d’un crédit emploi-formation, il pourrait être utile de créer une disposition de crédit retraite-formation permettant à ceux, désireux de rester en activité au-delà de l’âge légal et du nombre de trimestre requis, de rester en entreprise dans des conditions qu’il conviendrait de préciser pour effectuer la transmission de savoir avec les générations plus jeunes. Ainsi dépasserait-on la seule approche « comptable » pour tendre vers une démarche de civilisation. Une idée jeune ?