L’avenir de notre système de retraite mérite autre chose qu’une réponse idéologique injuste.

laurentdumond Selon le gouvernement et le Président de la République, les évolutions démographiques constatées représenteraient l’alpha et l’oméga du débat sur l’âge du départ à la retraite. Elles expliqueraient dans un même mouvement les difficultés actuelles de financement et   l’urgence à procéder à des réformes douloureuses.

S’en tenir à cela serait faire preuve de beaucoup de désinvoltures vis-à-vis d’évolutions humaines et de réalités économiques bien plus complexes.

Oui nous vivons plus longtemps mais cette constatation ne touche pas de façon linéaire toutes les couches de la population et nous savons que demeurent aujourd’hui bien des inégalités dans les possibilités et les manières de profiter de sa cessation d’activité.

Oui nous vivons plus longtemps mais nous constatons que les taux d’inactivités forcées  touchent les plus jeunes et les plus âgés des salariés. Le chômage de longue durée des plus de 55 ans est en constante augmentation et dans le même temps, des dizaines de milliers de jeunes sortent, dès 16 ans, chaque année du système scolaire sans aucune formation. Ces seuls exemples montrent simplement qu’avant de vouloir imposer des années de cotisations supplémentaires, de le faire sans aucune contre partie, il serait déjà logique de permettre à tous ceux qui y auraient le droit, de pouvoir travailler et donc de pouvoir cotiser.

La volonté d’obliger indistinctement tout le monde à travailler plus longtemps se heurte à une autre réalité, celle d’une productivité en constante progression. La réforme gouvernementale vise à imposer la double peine à celles et ceux qui sont à l’origine de cette amélioration de la productivité. Il est révélateur que jamais il ne soit fait référence au niveau de productivité du salarié exerçant en France bien supérieur à celles des autres pays européens. Au moment où le salarié français serait une « exception coupable » le gouvernement fait ; en omettant de prendre cette réalité en compte ; comme si, il n’y avait aucune relation entre l’activité, l’utilité humaine et le financement des retraites.

Alors que les moyens financiers nécessaires à l’équilibre des systèmes de retraite représentent peu de chose en comparaison des sommes considérables déployées pour venir au secours des marchés et outils financiers pourtant peu vertueux, il aurait été impérieux d’organiser un véritable débat de société avant de s’arque bouter sur une décision idéologique.

Cette urgence à un débat « digne de ce nom » mettant réellement sur la table tous les éléments des enjeux demeure nécessaire. Ce besoin de réponses alternatives répond d’autant plus au bon sens que rien n’interdit aujourd’hui le salarié de 60 ans de continuer à travailler et de cotiser et personne n’oblige le chef d’entreprise à se séparer de lui à ce moment de sa vie. Rien qu’en cela, le gouvernement est coupable de tromperie quand il fait le choix d’imposer  un dogme alors que la loi permet à toutes et tous de continuer à travailler au-delà de ses 60 ans.

Pour autant, le débat est nécessaire et il serait illusoire de vouloir le reporter devant des évolutions qui modifient le rapport de l’homme avec le travail, la place et l’utilité de celui-ci dans la société mais amènent aussi et dans même mouvement à modifier les rapports de l’entreprise et des milieux économiques à cette société.

Le gouvernement ne veut pas de cette confrontation d’idée et se refuse à toute réelle concertation afin d’imposer son choix « cotiser plus longtemps, travailler plus longtemps » qui était déjà le socle des réformes successives de Balladur et Fillon devant prétendument solutionner le problème.

Le Conseil d’Orientation des Retraites a récemment révélé  que les solutions basées sur le recul de l’âge de la retraite et l’augmentation d’années de cotisations ne permettront pas d’assurer la gestion équilibrée du système. Cette révélation montre que d’autres pistes novatrices sont nécessairement à travailler.

Comme nos ainés qui, dans une France exsangue, à la sortie de la guerre ont su proposer des choix liant impératifs économiques et développements sociaux, il est nécessaire aujourd’hui de sortir d’un autre dogmatisme, celui visant à laisser penser que toute avancée sociale serait contraire à la prospérité économique et donc à privilégier en permanence l’intérêt économique sur les aspects humains.

Cela passe par appréhender les réformes sociales non pas comme des contraintes supplémentaires mais comme moteurs à une nouvelle efficacité économique.

En ce sens, demander de travailler plus longtemps serait inepte si dans le même temps les parcours de formation, de travail et malheureusement de chômage, étroitement liés avec le droit et le financement de la retraite n’étaient pas sécurisés au travers de nouvelles règles. Sur cette question, il faudra avoir le courage de s’affranchir d’un patronat qui se refuse à toute avancée dans les domaines touchant à la place du salarié tout au long de sa vie professionnelle.

Le statut quo serait suicidaire. C’est pourquoi, au-delà la défense légitime des acquis sociaux doivent émerger des garanties nouvelles contrebalançant l’évolution du travail, l’explosion de la précarité, de la flexibilité, des carrières en pointillé et la systématisation des exonérations asphyxiant un système de retraite  par répartition demeurant le plus juste.

La réflexion autour de la possibilité de cessations progressives d’activités et personnalisées plutôt que d’imposer un recul de la date de départ à la retraite ne tenant pas compte des diversités de situation est à concrétiser. Ce passage permettrait d’ailleurs de donner un véritable sens à la notion de pénibilité. Le travail ne cesse d’évoluer, dans toutes les branches professionnelles les métiers changent et la pénibilité ne se cantonne plus aux seuls métiers physiques. La pénibilité est une réalité qui s’élargit et se heurte aux évolutions de la vie moderne. Le stress ne peut devenir une réalité quotidienne sans que ce constat n’imprègne toute réflexion sur l’âge du départ à la retraite.

Le rétablissement du financement des retraites passera également par une refonte de la fiscalité des entreprises aujourd’hui contraire au développement de l’emploi stable et pénalisant de surcroît fortement les PME et PMI. Une véritable remise à plat des soutiens, aides et exonérations sociales et défiscalisations successives à destination des entreprises est à opérer.  Ces aides sont équivalentes au quadruple du déficit des régimes de retraites. Ne pas s’attaquer à cela équivaudrait dans les faits à remettre en cause le droit à la retraite en ne souhaitant pas s’attaquer à un des piliers du déficit.

Le besoin de financer notre système de retraite par la recherche de recettes nouvelles passera par envisager la participation au pot commun de revenus échappant à ce jour à son financement alors qu’ils sont étroitement liés au travail, à la place des richesses produites dans une économie de plus en plus virtuelle. Revenus financiers, stocks options et dividendes doivent contribuer à un système de retraite accessible, juste et équilibré.

La  réalité de l’allongement de la durée des études pour de nombreux jeunes, la progression  de la professionnalisation des formations, des périodes d’alternance écoles/entreprises doivent  amener les pouvoirs publics à examiner la prise en compte de ces réalités dans les calculs de durées de cotisations et de financement de la retraite. Cette réflexion devant aller de paire avec la nécessaire création d’une allocation d’autonomie pour les jeunes. Contributive au financement des retraites, celle ci permettrait de responsabiliser la jeunesse alors que depuis des années on déresponsabilise le patronat en l’exonérant des charges sociales pour toute « employabilité » des jeunes.

Devant le cancer de la financiarisation de l’économie et les plans d’austérité programmés à travers l’Europe, ce débat sur les retraites est révélateur des enjeux qui sont face à nous et révélateur de la nature des dépassements à opérer. Face au combat libéral visant essentiellement à répondre à la crise  en stigmatisant le niveau des dépenses publiques c’est à une autre forme de civilisation qu’il faut travailler, une civilisation basée sur la coopération et les solidarités.

Si cela passe par l’acceptation d’évolutions, cela amènera aussi et obligatoirement à la mise en place de politiques en rupture vis-à-vis de celles qui ont imprégné les politiques gouvernementales et dicté la nature des traités internationaux et des réponses d’austérité aux crises que nous traversons.

En ce sens, il ne suffira plus de prétendre à l’alternance en promettant monts et merveilles mais bien de concrétiser une idée pleine de modernisme montrant que développement social et efficacité économique ne sont pas antinomiques mais porteurs d’un avenir commun.

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