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L’urgence d’une révolution progressiste

robert-hue-pcf_pics_390 On le sait, la crise de 1929 déboucha, selon les pays, sur des options radicalement différentes : aux Etats-Unis, ce fut le New Deal ; en Allemagne, le nazisme ; en France, le Front populaire. Sur quoi débouchera la crise mondiale actuelle ? Nul ne peut le dire. Mais une chose est sûre : face au capitalisme dont les ravages sont de plus en plus éclatants, on ne discerne, hélas !, aucune alternative. Pourtant, les mobilisations sociales, écologistes, pacifistes ne manquent pas.

Ce paradoxe a essentiellement pour origine la crise de la gauche. C’est là encore une crise mondiale. Une crise « intellectuelle », qui « s’enracine, comme l’écrit l’historien britannique Eric Hobsbawm, dans les crises jumelles des branches bolchevique/révolutionnaire et social-démocrate de la gauche ». Je ne développerai pas ici d’analyse sur les causes et la nature de ces crises jumelles.

Pour éclairer la suite de mon propos, je voudrais simplement indiquer, que je partage les conclusions que tire le sociologue Jean Lojkine dans son ouvrage La Crise des deux socialismes (éd. Temps des cerises, 2008) : l’échec des uns et des autres – communistes et sociaux-démocrates – tient, pour l’essentiel je crois, à une conception étatiste de la transformation sociale qui exclut l’intervention des salariés et des citoyens de la gestion des entreprises et de l’administration des affaires publiques.

La gauche française a, de tout temps, été traversée par divers courants. Elle a connu des scissions. Elle a pu être durablement divisée ou momentanément unie. Sa diversité, loin de l’affaiblir, lui a été propice, comme elle l’a été aussi à la démocratie. Aujourd’hui, si ce pluralisme demeure – et doit demeurer -, il se double d’un morcellement, d’un émiettement qui condamnent la gauche à l’impuissance. Ce phénomène est une conséquence directe de la double crise du socialisme mais, paradoxalement, il peut être aussi à l’origine de la renaissance de ce que j’appellerai un nouveau progressisme.

Dans tous les partis de la gauche française et hors de ceux-ci, des femmes, des hommes cherchent à définir la nature et les conditions d’une transformation sociale progressiste, d’un autre possible que le capitalisme. On voit se multiplier les appels, les manifestes. De nouveaux partis naissent. Des alliances se cherchent. Tout cela témoigne d’une volonté grandissante de « faire bouger les lignes » à gauche.

Cependant, cette ébullition reste, pour le moment, cantonnée à quelques fractions militantes au pourtour des forces historiques que sont le PS et le PCF. Or, à elles toutes, les organisations politiques de gauche ne regroupent pas plus de 300 000 adhérents, 2 % de l’électorat de gauche au premier tour de l’élection présidentielle de 2007.

Les débats qui animent les courants alternatifs et les dissidences, semblent demeurer prisonniers d’un cadre idéologique hérité du passé : réforme ou révolution ? La création de nouvelles formations politiques continue d’obéir aux schémas des XIXe et XXe siècles : elle se fait par le haut, parfois autour d’un leader. L’idée de voir émerger une gauche de la gauche – c’est-à-dire à la gauche du Parti socialiste – revient, en fait, à pérenniser la dichotomie entre une radicalité généreuse mais impuissante et un réformisme prompt à la retraite dès qu’il se heurte à l’argent roi.

La gauche a besoin d’une révolution. D’une révolution copernicienne : un renversement de la perspective, un nouveau mode de penser. Il lui faut se (re) construire par en bas. La transversalité doit se substituer à la verticalité, pour permettre de rassembler et de mettre en mouvement les énergies et les intelligences qui habitent le « peuple de gauche ».

Pour permettre d’élaborer un projet de transformation sociale progressiste, en rupture avec les dogmatismes du passé, hors de toute abstraction, dans la réalité du mouvement lui-même. Un projet qui rende aux forces du travail et de la création, et notamment à la jeunesse, comme une envie de politique.

Voilà ce qui nous a amenés à créer une association : Le Nouvel Espace progressiste (NEP). J’insiste sur le mot « association ». Parce qu’il s’agit bien d’associer des femmes et des hommes, militants ou non d’organisations de gauche, dans le but d’ouvrir ce vaste chantier qu’est la révolution nécessaire à la gauche.

Ce faisant, nous ne poursuivons pas d’objectifs politiciens ou électoralistes, pas plus que nous ne nous installons dans la concurrence entre organisations de gauche. Notre terrain est celui de l’association au sens où Marx parlait de « producteurs associés » pour qualifier la société postcapitaliste : une mutualisation.

Le Nouvel Espace progressiste s’inspire des valeurs humanistes des Lumières, du socialisme historique français – c’est-à-dire des valeurs fondatrices du socialisme et du communisme -, et de celles du féminisme et de l’écologisme. Il veut agir pour une société solidaire, dans laquelle les personnes, indépendamment de leur origine, de leur couleur de peau, de leur religion, de leur nationalité, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle, aient les mêmes droits et les mêmes chances, dans un monde en paix, respectueux des êtres et de leur environnement.

Pouvons-nous ainsi apporter une contribution à l’émergence d’une alternative progressiste postcapitaliste et à celle d’une force politique nouvelle qui l’incarnerait ? Je le crois. Il n’y a pas d’envie de politique sans utilité de l’engagement et pas d’engagement utile sans perspective d’améliorer le quotidien et sans projet pour l’avenir.

La révolution progressiste est plus que jamais une urgence.

Robert Hue est fondateur du Nouvel espace progressiste (NEP), sénateur (PC) du Val-d’Oise. Article paru dans l’édition du 20.03.09.

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