Opportunité politique et naturalisation des étrangers non-communautaires

michel fize icnePar Michel FIZE, Sociologue, MUP.
Cela fait trente et un ans que citoyens de gauche et progressistes, nous attendons la concrétisation de cette proposition de François Mitterrand, réitérée par François Hollande : le droit de vote aux élections locales des étrangers non-communautaires (qui sont, pour la plupart, on le sait, maghrébins et africains subsahariens). Il y a fort à parier que nous devrons encore attendre un certain temps, temps que nous souhaitons pas trop long, avant de voir se réaliser cet engagement.

Car un nouvel obstacle se dresse aujourd’hui sur la route déjà escarpée de ce droit : le « principe d’opportunité ».

Une décision politique, pour être adoptable, devrait être « opportune ». C’est ce principe, pour prendre un exemple personnel, qui m’avait été opposée, il y a une dizaine d’années, par Laurent Fabius, lors d’une rencontre des « Ni putes ni soumises », pour me signifier qu’en plein débat sur le voile à l’école, une réflexion sur la mixité scolaire (celle des genres) était « inopportune ». C’est ce même principe qu’aujourd’hui nombre de commentateurs (Daniel Cohn-Bendit en tête) invoquent pour dire que si les caricatures de Mahomet de Charlie Hebdo ne sont qu’une stricte application de la liberté d’expression, elles sont cependant « inopportunes ».

Pour revenir au droit de vote des étrangers, Manuel Valls ne dit finalement pas autre chose, inventant même, au passage, un nouveau concept, celui de « revendication forte ». Si l’on suit donc son raisonnement, une décision politique n’a de légitimité qu’autant qu’elle répond à une « revendication forte ». Avec cet argument, de niveau, entre nous, « café du commerce », la peine de mort n’eût pas été abolie, il y a trente-et-un an encore!

Concluons : que faut-il penser de la règle d’« opportunité politique » appliquée aux libertés ? Qu’elle est irrecevable en démocratie. Une liberté est ou n’est pas. Si elle est, elle est tout le temps. Elle ne saurait varier selon la conjoncture sociale, politique, internationale. Bien sûr, tout citoyen a le choix, et peut-être le devoir moral, d’apprécier lui-même, en dernier ressort, ce qu’il peut faire ou ne pas faire, mais l’on ne saurait l’empêcher de se déterminer comme il l’entend, si, bien sûr, préalablement, l’on a reconnu sa liberté.

Les choses étant ce qu’elles sont mais pas ce qu’elles devraient être, j’ajouterai ici une 61ème proposition au programme présidentiel de François Hollande : la naturalisation (pourquoi pas massive ?) des étrangers non ou extra-communautaires (pourquoi pas les autres ?), résidant sur le territoire national depuis au moins dix ans et s’acquittant normalement de leurs obligations fiscales. C’est là, me semble-t-il, question de justice, et sans aucun doute de courage, valeur politique, hélas, déclinante.

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