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Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2020 – Le service public de santé n’est pas un malade imaginaire !

Sébastien NADOT, député de Haute-Garonne, membre du Comité national du Mouvement des Progressistes, est intervenu dans le débat général du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour regretter l’absence d’ambition de ce projet face à la situation critique de notre système de santé.

Intervention de Sébastien NADOT

Dans la mesure où tous mes amendements ont été déclarés irrecevables, je me présente à vous sans grand espoir que vous entendiez dans le détail ce que soignants et malades crient depuis des mois.

L’amendement prônant une prise en charge à 100 % des vaccins rendus obligatoires afin d’augmenter la couverture vaccinale et la rendre universelle, sans considération financière : irrecevable.

Celui qui proposait d’impliquer davantage les usagers des services de santé, les patients, dans les processus décisionnels en vue d’améliorer ce qu’il est convenu d’appeler une démocratie sanitaire : irrecevable.

Celui qui préconisait de diminuer le reste à charge pour certains malades, quand le coût d’une hospitalisation grèvera leur budget familial des années entières : irrecevable.

Celui qui visait à créer des places en établissements médico-sociaux pour les personnes adultes en situation de handicap alors qu’elles sont actuellement maintenues en structure d’accueil pour enfants ou adolescents : irrecevable.

Celui qui tendait à permettre aux personnels de santé de travailler sereinement : irrecevable.

Celui qui voulait donner les moyens de leur ambition à l’hôpital public, aux EHPAD, à la psychiatrie, bref à tous les établissements publics de santé : irrecevable.

Prenons l’exemple de la psychiatrie en France. L’organisation de la santé mentale est quasi intangible depuis 1960. La psychiatrie n’est pourtant pas une médecine pour les autres : en France, une personne sur cinq souffrira d’un trouble psychique au cours de sa vie. La réalité est alarmante, bien loin de l’ambition affirmée. Pourquoi ne pas essayer d’établir une nouvelle relation du malade à sa pathologie, une nouvelle relation de notre société aux problèmes de santé mentale, plutôt que de considérer l’enfermement, pourtant coûteux et inefficace, comme le seul remède ? Pourquoi ne pas essayer la liberté ? Pourquoi ne pas essayer de soigner autrement, d’organiser différemment ? Après tout, la liberté est un soin merveilleux ! Plutôt que de s’interroger sur les patients et le travail des soignants, d’expérimenter de nouvelles méthodes, votre solution consiste à transformer la tarification hospitalière et à l’étendre aux hôpitaux psychiatriques pour faire disparaître les établissements jugés trop peu rentables. Cachez ces fous que l’on ne saurait voir, et de manière low cost s’il vous plaît !

En réduisant ici comme ailleurs les marges de manœuvre de la communauté hospitalière, vous ôtez toute liberté et empêchez toute initiative visant à mieux soigner. Finalement, l’idée de proposer un service public de santé de qualité aux gens qui en ont besoin sans vérifier que leur porte-monnaie est bien garni vous paraît inconcevable.

Alors, laissons un instant cette comédie du PLFSS et allons à quelques pas d’ici, vers un autre théâtre, celui du Palais Royal à Paris.

Nous sommes en février 1673. Sur scène, Molière et sa troupe se démènent dans cette comédie insolite qu’est le Malade imaginaire. Pour mémoire, Argan, le malade imaginaire, se fait faire toutes sortes de saignées, de purges, et absorbe divers remèdes prescrits par des médecins plus soucieux de complaire à leur patient que de concourir à améliorer sa santé. Sa jeune femme, Béline, simule des soins attentionnés mais n’attend en réalité que la mort de son mari pour hériter.

Mais voilà Toinette, la servante d’Argan, qui s’exclame : Ne voyez-vous donc pas tous ces gens, fatigués, épuisés, à bout de force et même broyés, tant ils se démènent pour vous de l’aube à la nuit, de la nuit à l’aube, tout cela pour quelque misérable obole ?

Argan de répondre : De quoi se plaignent-ils ? C’est quand même moi qui suis terriblement malade ! Ils exercent un métier magnifique, que veulent-ils de plus ? Et puis je n’en suis pas toujours satisfait ! J’attends, je meurs en quintes de toux, je souffre, je transpire, cela me coûte les yeux de la tête ! Et puis ce ne sont que des serviteurs, après tout !

C’est que ces soignants n’ont pas toujours les moyens d’exercer leur sacerdoce, dit Toinette.

Anaïs Demoustier et Fabrice Luchini joueraient mieux que moi cette comédie, j’en conviens. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.)

Savez-vous ce qu’il advint lors de la quatrième représentation du Malade imaginaire en cette année 1673 ? Sur la scène, Molière, dans le rôle d’Argan, fut pris d’un malaise. Quelques jours plus tard, il était mort.

Le service public de santé n’est pas un malade imaginaire. Les soignants et les patients ne sont pas hypocondriaques. C’est ensemble que nous pouvons mettre fin à cette tragédie du quotidien. Aujourd’hui, c’est à vous, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, d’en décider. Enfin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LT.)

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