bernard frederick 12 2012

Quelques réflexions sur la gauche après les primaires citoyennes.

bernard frederick 12 2012 Les « primaires citoyennes » et François Hollande désigné pour être le candidat du PS à la présidentielle de 2012, une première phase de la campagne de l’élection présidentielle 2012 s’achève. Elle est, et sera, déterminante pour la suite, non seulement pour l’élection elle-même mais pour la prochaine législature.
Avec 2 665 013 votants au premier tour et 2 860 157 au second tour, les primaires sont un succès tant pour le PS que pour la démocratie. Elles contribuent ainsi à un début de rénovation de la politique absolument essentiel – une rénovation qui, d’ailleurs, est à l’origine même de la création du Mouvement Unitaire Progressiste (MUP) dont Robert Hue indiquait, en décembre 2008, qu’il se voulait porteur d’ « Un nouveau mode de penser la démocratie en l’ouvrant aux acteurs sociaux et associatifs. En passant de la verticalité du pouvoir à l’horizontalité ».

Ce processus des primaires donne au candidat socialiste une légitimité qu’aucun candidat n’a jamais eu par le passé et aucun des candidats en présence dans la présente campagne ne part avec un tel capital : Sarkozy s’impose de lui-même ; Bayrou fait le même choix ; Eva Joly a été élue chez les Verts-Europe écologie par 13 223 voix sur 22 896 votants ; Mélenchon a été désigné par les militants de son parti et par les communistes lors d’un « vote » quasi référendaire sans autre contrôle que celui de l’appareil du PC : 28 251 voix pour Jean-Luc Mélenchon ; 17 594 pour André Chassaigne ; 1 944 pour Emmanuel Drang Tran soit 48 631 votants pour 69 227 inscrits.
La première leçon que l’on peut tirer de l’ensemble de ces chiffres, c’est que primo il est tout à fait possible d’organiser en France des primaires citoyennes pour désigner un candidat à la présidentielle ; que secundo, la mobilisation électorale dépasse largement le nombre des
adhérents de la formation politique qui organise le scrutin ; que tertio, le candidat ainsi désigné a la plus grande légitimité pour rassembler dès le premier tour au-delà de son camp.
La seconde leçon tient en ceci que le succès des primaires n’a été possible que parce que la campagne qui les a précédées a permis un débat très politique sur des choix – qu’on les partage ou pas – qui concerne directement la vie des Françaises et des Français. C’est pourquoi ils furent si nombreux à suivre les débats télévisés (6 millions entre les deux tours !).
François Hollande a obtenu, au second tour des primaires, 56,57% des suffrages exprimés, soit 1 607 268 voix contre 1 233 899 voix à Martine Aubry (43,43%). Les résultats sont nets ; l’écart suffisant pour donner au candidat à l’élection présidentielle une représentativité exemplaire et nécessaire. La façon dont le PS et sa première secrétaire ont accueilli ces résultats laisse à penser – mais soyons prudent – que la rue de Solferino a tiré les enseignements de 2007 et le parti sera effectivement mobilisé pour la campagne autour de son candidat légitime.
S’agissant du premier tour de ces primaires, le succès d’Arnaud Montebourg (455 609 voix soit 17,2 %) a créé la surprise. Il a indéniablement bénéficié de son positionnement très à gauche et du vote d’un électorat jeune et plus radical. On peut estimer que de nombreux communistes ou électeurs communistes ont fait le choix d’aller voter et de voter Montebourg. Quelques soient les raisons de ce succès relatif, il convient, selon moi, à la fois de prendre en compte ce phénomène politique et en même temps de ne pas trop en exagérer la signification : depuis 1920, la SFIO puis le PS ont toujours disposé d’une aile gauche – parfois gauchiste – leur permettant d’élargir leur éventail électoral et social et donnant à leur leader un positionnement plus recentré capable de séduire des électeurs plus à droite. Ce fut, par exemple, le rôle du CERES de Chevènement au congrès d’Epinay en, 1973. Montebourg en définitive a joué ici le rôle qui aurait pu être celui d’un candidat communiste si le PC avait participé à ces primaires. De fait, il a, dès le second tour, commencé à rabattre ses électeurs vers François Hollande et continuera de le faire d’ici la présidentielle. On peut avancer, que tout cela se passe quelque peu au détriment de Jean-Luc Mélenchon et, surtout, du PCF dont l’aveuglement se vérifie une nouvelle fois.
La force que donnent les primaires à Hollande sera-t-elle suffisante pour gagner ? C’est un capital, une potentialité qui lui était nécessaire mais ça n’en fait pas un vainqueur pour autant. Les conditions pour gagner tiennent d’une part à sa capacité de rassembler et d’autre part à
son projet. Ce dernier est affaire d’équilibre entre la crédibilité et l’espérance laquelle se radicalise avec l’approfondissement de la crise.
La crise n’est un atout à gauche que si elle est dénoncée pour ce qu’elle est : la crise du capitalisme contemporain ; la plus grave crise qu’il n’ait jamais connu. Il faut espérer que Hollande sera se distinguer assez des solutions de la droite pour qu’il emporte l’adhésion du peuple de gauche, du mouvement social, des jeunes et des couches populaires. Le succès est à ce prix car la crise peut tout aussi bien renforcer les conservatismes et aiguiser les peurs et offrir ainsi un terrain de manoeuvre à Sarkozy, terrain sur lequel il s’avance déjà.
Dans ces conditions, le MUP peut-il jouer un rôle efficace dans la perspective du rassemblement autour de François Hollande ? Je le pense à condition primo de conserver entière notre autonomie et notre identité et secundo d’être perçu véritablement comme l’aile gauche de ce rassemblement, sans nourrir d’illusions mais en poursuivant une politique qui éclaire la situation et ses enjeux et donne à voir ce qu’une mobilisation sociale peut obtenir à partir des propositions du candidat socialiste. Celles qui concernent les jeunes notamment. Mais il nous faut veiller aussi à ce que les grandes questions sociales demeurent centrales : l’emploi et les salaires ; les retraites ; la santé ; la démocratie sociale comme facteur de croissance et de (ré) industrialisation, bien plus efficace que tout protectionnisme.
Le succès des primaires ne peut que nous conforter dans nos analyses de la crise politique et n’infirme pas ce que nous avons avancé sur le dépassement des partis. Les mouvements des « indignés » partout dans le monde le confirment. Les citoyennes et les citoyens entendent peser sur les choix politiques ; en être partie prenante ; participer à un rassemblement populaire, clé d’un changement véritable. C’est ce que trois millions d’entre eux viennent de dire haut et clair non seulement au PS mais à toute la gauche.

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