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Robert Hue intervient au sénat sur l’aide au développement : Nous devons poursuivre nos efforts pour réduire la pauvreté dans le monde !

DG20140924-intervention-irak-04-hueMadame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues,

Nous mesurons tous parfaitement les enjeux de la politique d’aide au développement. Ils nous commandent de poursuivre nos efforts pour réduire la pauvreté dans le monde, qu’elle soit alimentaire, sanitaire et éducative, ces trois facettes étant bien sûr interdépendantes.

Je n’oublie pas la « pauvreté institutionnelle », cause ou conséquence de la misère. À l’aube du XXIe siècle, on compte encore beaucoup trop d’États aux institutions fragiles, notamment en Afrique, qui donnent prise à des régimes dits d’« anocratie », des régimes naviguant entre autorité et embryon de démocratie. Il y a aussi les États affaiblis par le djihad islamiste : le cas de l’Irak aux prises avec Daech nous le rappelle tragiquement. Ces situations sont déstabilisatrices pour les populations locales avant tout, mais aussi pour la sécurité du monde.

Plus de cinquante ans après les grandes luttes pour l’indépendance, il reste beaucoup à faire pour atteindre les fameux objectifs du Millénaire pour le développement. Si environ 700 millions de personnes sont sorties de la pauvreté depuis vingt-cinq ans, on dénombre malheureusement 870 millions de personnes sous-alimentées aujourd’hui dans le monde.

Dans ce contexte, l’aide publique au développement doit, à l’évidence, être plus que jamais encouragée. Après deux années difficiles dues à la crise financière, on constate un rebond de l’aide au développement des pays du Comité d’aide au développement en 2013 ; je m’en réjouis. Elle a en effet progressé de 6,1 % entre 2012 et 2013.

Il est en revanche regrettable que la France fasse partie des pays qui ont relâché leurs efforts. L’objectif de 0,7 % du revenu national brut consacré à l’aide publique au développement ne sera pas atteint, avec un chiffre de 0,41 % en 2013, en recul par rapport à 2012 contrairement au ratio de nos voisins britanniques, souvent cités en exemple.

Il est également dommage que la hausse du produit des taxes affectées vienne compenser la baisse des dotations budgétaires. Comme l’a souligné notre collègue rapporteur Yvon Collin, il sera nécessaire que notre pays adopte une trajectoire précise.

Au mois de juin dernier, nous avons approuvé de grands principes en adoptant la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, le rapport annexé mentionnant d’ailleurs l’objectif de 0,7 %. Il faudrait essayer de s’y tenir ! Cette loi avait également affirmé que l’efficacité de l’aide passerait par une concentration des actions tant géographiques que sectorielles. Dans cet esprit, le continent africain, et en particulier l’Afrique subsaharienne, a été désigné comme prioritaire. J’approuve ce choix.

En effet, l’Afrique est le continent qui concentre le plus de difficultés, malgré le décollage économique de plusieurs pays. Ce sont des pays africains qui se trouvent aux dernières places du classement selon l’indice de développement humain établi par le Programme de Nations unies pour le développement, le PNUD : le Mali, le Libéria, la Sierra Leone ou encore la Guinée figurent en toute fin de liste.

En Afrique, des crises institutionnelles à répétition minent encore les toutes jeunes démocraties, comme on l’a vu encore récemment au Burkina Faso.

Enfin, en Afrique, des drames sanitaires ravagent des populations, telle l’épidémie de fièvre Ebola, qui a déjà fait plus de 4 400 morts. À cet égard, j’aimerais savoir quelles sont les lignes budgétaires consacrées à la lutte contre les conséquences du virus. Le Président de la République avait fait des annonces. L’une concernait la mise à disposition immédiate de 20 millions d’euros. Où en sommes-nous ?

Au regard de ces conditions précaires, l’aide publique au développement est-elle conforme aux engagements décidés en faveur de l’Afrique par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, du 31 juillet 2013 ?

Si l’on s’en tient à l’aide bilatérale, l’Afrique est en effet majoritairement bénéficiaire de celle-ci à hauteur de 46 %. Mais veillons à ne pas réduire la part consacrée à l’Afrique subsaharienne, comme cela a été le cas entre 2012 et 2013.

Au sein des interventions de l’Agence française de développement, qui représentent, sur la période 2014-2016, 9,3 milliards d’euros d’autorisations de financement en Afrique subsaharienne et près de 2,1 milliards en Afrique du Nord, on constate un progrès, puisque ces crédits augmenteraient de 20 % par rapport aux trois années 2011, 2012 et 2013 : c’est une bonne chose. Néanmoins, je m’interroge sur la répartition prévisionnelle de ces fonds, qui fait la part belle aux prêts, au détriment des dons ; c’est d’ailleurs une constante. Or les prêts, qui appuient bien souvent les secteurs productifs, ne ciblent pas forcément les pays les plus pauvres. Aussi, si les dons vont bien en priorité vers l’Afrique, qu’en est-il des prêts ?

Madame la secrétaire d’État, les dix-sept pays pauvres prioritaires sont-ils les principaux bénéficiaires de l’aide publique au développement ? En tout cas, je l’espère, car vous connaissez mon attachement au continent africain, que je considère comme central, compte tenu notamment de sa dynamique démographique. Qu’on le veuille ou non, et les flux migratoires en attestent, le destin de la France et, au-delà, celui de l’Europe sont liés à l’Afrique, une Afrique qui doit être perçue comme une chance et avec laquelle l’Europe peut constituer un axe fort pour une coopération intelligente et porteuse de projets économiques responsables, sur le plan social et environnemental.

C’est pourquoi, sans méconnaître les contraintes budgétaires, et tout en émettant un avis favorable sur les crédits de cette mission, je souhaite, comme beaucoup de mes collègues, que l’aide publique au développement ne soit pas pénalisée au regard des enjeux de développement très forts dans le monde, en particulier de l’autre côté de la Méditerranée. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

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