Chers amis, chers camarades,
Permettez-moi, en premier lieu, de vous dire mon plaisir du résultat de cette première rencontre. Les nombreuses interventions qui ont succédé depuis ce matin à celle de Jean-Noël Carpentier, le porte-parole de notre Mouvement progressiste, en témoignent.
Je crois que le but que nous nous fixions à l’occasion de cette rencontre a été atteint. Par la qualité des interventions, le contenu de notre débat et le nombre de participants. Nous avions fixé, pour des raisons de place dans cette salle, un nombre de 115 à 130 participants. Depuis ce matin, entre ceux qui nous ont rejoint depuis et ceux qui, pour des raisons souvent liées à la campagne municipale, nous ont quitté dans l’après-midi, c’est au total près de 200 délégués de nos départements et régions qui ont ainsi participé à notre rencontre.
Bien entendu, au plan politique, vos interventions et les discussions, ce matin, ont confirmé que le centre de vos préoccupations est vraiment ce qui préoccupe les Françaises et les Français :
En premier lieu, les questions économiques et sociales. Comment apporter des réponses concrètes à la question des questions pour les Français : le chômage endémique qui, malgré quelques évolutions trop imperceptibles, reste à un niveau gravissime ?
Disons-le, c’est vrai que le niveau de ce chômage était déjà vertigineux à l’arrivée de la gauche au pouvoir. Mais, contrairement à la volonté du Président de la République, certainement de bonne fois : la courbe ne s’est pas inversée.
Et, il serait insupportable que l’on continue de persister à confondre une inversion de la courbe avec une stabilisation toute relative. Soyons clairs, la principale cause du doute et de l’angoisse des Français n’a eu, pour le moment, aux yeux de nos concitoyens, aucune réponse visible et concrète. Nous ne sommes pas des partisans du tout ou rien. Nous sommes progressistes. Et, pour nous, tout pas en avant, fut-il ténu, nous en prenons acte. Et nous l’accompagnons.
Parce que nous sommes progressistes, nous sommes constructifs. Ainsi, nous ne négligeons nullement les mesures gouvernementales en matière d’emploi des jeunes. Grâce aux emplois d’avenir, le chômage des jeunes a diminué depuis plusieurs mois. Les contrats de génération participent aussi à ce résultat positif.
Notre rôle, au niveau où nous sommes (réalistes mais déterminés), le rôle des Progressistes est, sous les formes les plus diverses, non pas de nous opposer de façon systématique, démagogique et stérile, notre rôle, disais-je, c’est, au sein de la majorité gouvernementale, de faire bouger toute action dans le sens du progrès : progrès social, progrès humain, progrès environnemental.
Prenons les questions économiques et la lutte contre le chômage. J’ai rappelé, il y a un instant, les premières mesures prises par le gouvernement. Le MUP et ses parlementaires les ont soutenues. Mais notre appartenance à la majorité gouvernementale et présidentielle ne nous rend pas aveugles.
A propos du CICE (le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), notre Mouvement a rappelé que ce dispositif portant sur un crédit de 20 milliards ne comportait pas suffisamment de garanties d’engagements du patronat. D’ailleurs, le système n’a pas vraiment fonctionné.
Je veux, de nouveau aujourd’hui, dire solennellement au Président de la République, comme je l’ai dit également mercredi dernier dans une rencontre avec le Premier ministre, Je veux dire, ici : la proposition de Pacte de responsabilité, en l’état, ne peut recueillir notre soutien.
Cette proposition d’une nouvelle aide publique de 30 milliards aux entreprises par la suppression du financement des cotisations familiales, si elle n’est pas assortie de contreparties contractuelles et transparentes, n’aura aucune crédibilité aux yeux du monde du travail.
En effet, nous voyons déjà poindre l’offensive idéologique du MEDEF. Son éternelle ritournelle sur la nécessité de baisser le coût du travail. Mais cela fait plus de 30 ans que des milliards et des milliards d’aides publiques ont été accordés – sans contrôle – aux entreprises, au nom de la compétitivité et de la baisse du coût du travail. Encore 110 milliards en 2013.
Or, le résultat est dramatiquement limpide : jamais le chômage n’a été aussi élevé et les entreprises si avares d’investissements à l’innovation (je ne parle pas des PMI-PME). Pire, des entreprises, surtout les plus grandes, ont bénéficié des aides publiques, c’est-à-dire du produit de l’impôt des Français, pour continuer de verser de substantiels dividendes aux actionnaires quand ce n’était pas pour ensuite annoncer des plans de licenciements voire des délocalisations !
Nous ne voulons pas que le Pacte de responsabilité se transforme en puits sans fond, en chèque en blanc qui pourrait devenir un chèque en bois en matière d’emploi. Le Pacte de responsabilité doit justement reposer sur la responsabilité de tous les acteurs du monde économique mais aussi du monde social pour une réelle efficacité. Il serait légitime, et je le propose, que ce Pacte fasse l’objet d’un contrat co-géré entre les entreprises, les représentants des salariés et l’Etat sous le contrôle du Parlement.
Il ne s’agit nullement de créer un climat de suspicion ou de donner un caractère punitif à la transparence du dispositif. Au contraire, il s’agit précisément de demander à la puissance publique de remplir sa mission de responsabilité.
Voici quelques mois, j’ai d’ailleurs, au nom du Mouvement Progressiste (MUP), proposé un dispositif au Président de la République visant à mettre en place un outil d’évaluation et de transparence de l’utilisation des fonds publics. Et non pas cet énième « observatoire » qui nous est proposé sans aucun pouvoir d’intervention. Le Mouvement Progressiste demande au Président de la République un rééquilibrage social du Pacte de responsabilité avec, en toute transparence, une clause de conditionnalité.
Beaucoup d’entre vous ont évoqué l’exaspération de nos concitoyens. Les inquiétudes, les angoisses, y compris désormais, la souffrance au travail. Les inégalités qui grandissent et ces millions de pauvres devenus une constante de notre société, la Fondation de l’Abbé Pierre, qui alerte à propos des 3,5 millions de personnes mal-logées.
Ne négligeons pas la place de notre action pour conjurer les peurs de nos concitoyens. Car la crise sociale et morale qui frappe notre société entraine une perte de confiance des Français et un doute sur l’avenir du pays, et sur leur propre avenir. Notre responsabilité politique – au-delà de proposer avec notre Mouvement une autre éthique de la politique et de la façon de s’y consacrer (j’y reviendrai) – notre responsabilité, disais-je, c’est la riposte, depuis l’an dernier – je devrais même dire depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir – l’offensive de ces regroupements – souvent sous l’œil bienveillant voire actif de la droite – ces rassemblements dont il ne faut pas négliger la capacité, dont les méthodes et les objectifs affichés, sont une mise en cause directe et brutale des valeurs républicaines.
Déjà, dans les manifestations d’opposants au mariage pour tous, nous avions noté des forces obscures qui, à travers des mots d’ordre homophobes, des actes violents et des comportements fascisants, contestaient l’expression du suffrage et les lois de la République.
Lors des dernières manifestations, prenant prétexte du débat sur l’IVG, nous avons assisté à de véritables comportements factieux : les slogans ont révélé cette exaltation des fantasmes, non seulement les plus réactionnaires, mais aussi les plus racistes : anti-républicains, antisémistes, homophobes, anti-musulmans… La riposte est indispensable. Les Progressistes et le MUP y prendront toute leur place. En ne négligeant jamais que le combat pour le progrès social et humain, c’est d’abord de s’attaquer au fond à ce qui fragilise la vie quotidienne des gens. Ce terreau sur lequel surfent les populistes et les démagogues de tout poil.
Et dans le lot des angoisses des Français, il y a le rejet, souvent légitime, des « élites », des « politiques » et des « appareils » dont ils contestent au plus profond désormais l’utilité sociale et politique. Cela peut conduire à une sourde colère et une abstention populaire dangereuse voire à une dérive vers un vote assumé d’extrême droite.
Je viens d’évoquer combien la crise de la politique est source de réserves et de défiance de l’opinion. Les formes de la politique et les partis traditionnels ne constituent plus l’offre politique qu’appelle notre époque. Il faut inventer autre chose. C’est de ce constat, de cette attente qu’est né, il y a un peu plus de 4 ans, le Mouvement Progressiste (MUP).
Occuper un espace en jachère politique. Un espace ouvert et fédérateur. Le MUP n’est pas né pour ajouter de la division à la division. Il a été créé avec la volonté de rassembler les forces progressistes et toutes celles et tous ceux qui, toujours adhérents à une autre formation politique de gauche ou qui n’ont jamais appartenu à l’une d’entre elle, veulent s’engager autrement. C’est aussi le sens que nous avons donné dans nos statuts à la possibilité d’une double appartenance.
J’ai dit, à l’instant, l’espace laissé dans la vie politique aujourd’hui. Un espace que le MUP entend occuper car la nature a horreur du vide.
Vous l’avez exprimé dans vos interventions. Beaucoup d’hommes et de femmes de gauche sont aujourd’hui orphelins d’une dynamique des forces de progrès. D’un côté, nous rencontrons des citoyens qui ne se retrouvent plus dans la fuite en avant d’un Front de gauche qui, n’en déplaise (ou pas) au Parti communiste, est, depuis la présidentielle, tenu d’une main furieuse et bruyante par le parti de gauche et Jean-Luc Mélenchon. Au-delà du narcissisme de son leader, la stratégie de cette gauche qui s’extrêmise est une impasse.
La thèse de deux gauches selon laquelle la dérive dite « libérale » de François Hollande ouvrirait un espace et une voie royale au Front de gauche a fait long feu ! Cette stratégie, non seulement est vouée à l’échec pour elle-même (les élections partielles l’ont parfaitement démontré), mais cette stratégie est, de plus, terriblement mortifère pour toutes les forces de gauche.
Si François Hollande échoue, et je ne le souhaite pas, ce n’est pas le Front de gauche qui en tirera le bénéfice mais un autre Front, celui de l’extrême-droite.
C’est pourquoi beaucoup d’amis ne se retrouvent pas dans cette fuite en avant suicidaire et rejoignent notre Mouvement, ou se rapprochent de lui. Et que l’on ne s’y trompe pas, les contradictions qui apparaissent aujourd’hui entre Mélenchon et le parti communiste à la veille de ces municipales sont, comme le disent les marxistes, des contradictions secondaires. Pour les européennes, la stratégie sera de nouveau commune et terriblement irréaliste.
D’ailleurs, là où des accords municipaux existent entre le PCF et le PS pour sauvegarder des positions, le parti socialiste doit être lucide : une majorité de l’électorat Front de gauche se tournera vers les listes inspirées par le Parti de gauche ! Depuis deux ans, on le caresse dans ce sens.
Je disais donc que cette stratégie pousse vers nous beaucoup de citoyens qui ne sont pas des électeurs socialistes mais qui ne veulent pas non plus de cette fuite en avant irresponsable. Et ils rejoignent notre Mouvement et sa démarche. Une autre partie de l’espace occupé par le MUP devient de plus en plus attractive pour des hommes et des femmes, disons-le, déçus de la politique menée par François Hollande et la gauche au pouvoir.
Ceux-là aussi ne souhaitent pas abandonner la gauche, ne souhaitent pas rejoindre le camp stérile de l’abstention ou de l’opposition dite de gauche. Et ils se retrouvent dans les choix du MUP.
L’espace ouvert devant nous, les Progressistes, est ample : des millions de gens.
Notre positionnement vis-à-vis de la majorité ne souffre aucune ambiguïté. Les progressistes sont partie prenante et membres de la majorité. Ils l’assument pleinement. Mais les yeux grands ouverts. La démarche progressiste est claire : tout ce qui est de nature à améliorer la vie de nos concitoyens, nous l’appuyons, nous le soutenons.
Et Je redis ici, nous ne sommes ni des dissidents communistes, ni des supplétifs socialistes : nous sommes des Progressistes ! C’est cette volonté de faire bouger vers la gauche le plus et le mieux possible qui nous guide.
Quand les choses ne nous semblent pas aller dans le bon sens, nous le disons et nous ne les soutenons pas. Vous avez entendu mon sentiment à propos du Pacte de responsabilité. Le vote de confiance que l’on demandera en juin à nos parlementaires sera à l’aune des avancées qui seront faites dans le sens du progrès.
J’entends bien que régulièrement, les journalistes, c’est leur métier après tout, ou d’autres, nous demandent de situer la politique actuelle dans une gradation entre sociale et libérale. (Une sorte d’échelle de Richter de la politique !) Ma réponse est limpide. Aujourd’hui, comme ce fut le cas dans son discours du Bourget, les choix du Président de la République sont socio-démocrates. Ce ne sont pas des choix libéraux de régression sociale au service total de l’argent-roi. Ce sont des choix réformistes d’adaptation de la société de marché dominante actuelle.
Ce ne sont pas nos choix, à nous, les Progressistes.
En ce qui nous concerne, nous nous situons dans une démarche de progrès et de dépassement de la société actuelle dominée par le capitalisme financier. Ce qui n’empêche pas une stratégie d’alliances avec des forces de gauche et écologistes animées de choix différents mais pas opposés.
A un journaliste qui me demandait de situer notre Mouvement :
– Vous n’êtes plus au Parti communiste,
– Vous n’êtes pas social-démocrate.
– Où êtes-vous ?
Je lui ai tout simplement répondu : je suis progressiste ! Notre engagement, c’est le Progrès. Beaucoup s’en réclament à gauche et même parfois à droite, du progrès ! Le Mouvement progressiste, que nous animons, fonde sa stratégie et ses perspectives dans un progrès humain, social et écologiste inscrit dans un dépassement de la société de l’argent, une évolution révolutionnaire au sens de ce que disait Jaurès (après Marx) : une révolution progressiste.
C’est dans cet esprit que nous participons aux échéances électorales. Notre Mouvement progressiste vise son développement dans une dynamique qui n’entend pas se résumer à un processus électoral. Mais pour des raisons liées à la nécessité d’une visibilité de notre Mouvement, de sa structuration et de sa vocation à être de plus en plus près de citoyens, nous entendons – le plus et le mieux possible – participer aux élections. C’est ce que nous contribuons à mettre en œuvre aujourd’hui avec les municipales.
Nous voulons, partout où nous avons des forces, être présents dans les listes de rassemblement de gauche dès le 1er tour. Nous aurons, pour la première fois, de nombreux candidats du MUP. Mais tout ne dépend pas de nous. Chacun voit bien que parfois notre présence aux côtés du PS est souhaité d’autant qu’elle est salutaire pour cette formation. Dans d’autres grandes villes, les socialistes sortants, soit, ont le sentiment qu’ils n’ont pas besoin de notre appui, soit, ils ne veulent pas contrarier des alliances qu’ils ont déjà nouées par ailleurs et dans ce cas, on ne nous sollicite pas, ou pire, on nous écarte.
Tout cela relève d’un opportunisme politique qui explique pourquoi les Français trouvent de moins en moins de vertu à la politique.
Nous sommes une formation toute jeune. Ces vieux partis finiront par trépasser de ces combinaisons à mille lieues des besoins des Français. Comme ils ont peur d’apparaitre de plus en plus inutiles, les vieux partis n’aiment pas voir émerger de jeunes mouvements comme le nôtre.
L’essentiel de cette étape « bien trop politicienne » c’est que notre Mouvement au soir du 2ème tour des municipales compte le plus d’élus progressistes possible. De toute façon, ce sera le cas.
J’ai une pensée bien entendu pour nos amis têtes de liste du MUP. Pour certains ils seront peut-être, en mars prochain, parmi les premiers maires progressistes de notre Mouvement qui participe pour la première fois à ces échéances.
N’oublions pas que cette année, se tient un autre scrutin d’importance. Les élections européennes. Elles sont plus difficiles pour nous. D’abord, parce que les circonscriptions régionales sont très grandes, qu’elles impliquent un engagement militant et financier lourd.
Nous avons adressé notre souhait au parti socialiste de réfléchir à une démarche de rassemblement unitaire. Pour l’heure, ce « rassemblement » se limite à un accord national avec nos amis du PRG. Nous prendrons notre place, avec nos forces dans cette bataille électorale en faveur d’une construction euro-progressiste. Une échéance électorale qui, une nouvelle fois, pourrait retentir comme un coup de tonnerre dans le ciel politique, si, comme des sondages l’annoncent, le FN arrive en tête de toutes les forces politiques françaises. Et que cette vague est dramatiquement montante dans toute l’Union européenne.
Aujourd’hui, le symbole de paix et de solidarité est occulté par l’idée d’une Europe synonyme d’austérité. L’Europe sociale est autant un devoir, une nécessité qu’un serpent de mer. Et pourtant, c’est un combat qu’il ne faut pas lâcher. A l’exigence sociale doit être associée une Europe de l’exigence démocratique : des politiques européennes déterminées par le citoyen européen. Cette démocratisation citoyenne est le moyen le plus approprié de redonner à notre peuple l’envie d’Europe : d’une Europe ouverte, d’une Europe où se forgent entre les nations des ambitions communes dégagées de tous les replis frileux et de tous les relents nationalistes.
Pour ces élections européennes, notre exécutif national proposera un engagement semblable à celui pour les municipales, à savoir une présence dans cette campagne permettant à notre Mouvement de gagner en adhérents, en sympathisants et en structuration dans les régions.
Nous le ferons désormais dans toutes les échéances électorales à venir : sénatoriales, régionales, départementales et législatives en 2017 comme y a invité Jean-Noël.
Soyons clair, notre Mouvement veut s’inscrire dans un engagement de proximité, horizontal. A la fois proche physiquement de nos concitoyens mais aussi porteur des nouveaux liens virtuels qui nous unissent dans les réseaux sociaux.
Voilà chers amis progressistes, nos concitoyens ne boudent pas la politique mais la façon dont elle s’exerce – de façon terrible – aujourd’hui.
Oui, nous sommes convaincus « qu’il faut changer la politique pour changer le monde ». Et je crois que dans les mois qui viennent – au-delà – des deux échéances électorales immédiates, avant l’été, nous proposerons à notre mouvement de franchir une étape majeure – de renforcement, d’émergence forte et d’épanouissement de nos forces.
D’ici là, en avant pour donner toute sa dynamique progressiste et humaine à l’engagement de tous et de chacun.
Intervention de clôture de la Rencontre nationale des progressistes organisée le samedi 1er février au sénat.