Il l’avait promis en juin lors du congrès du PS, c’est fait. Jean-Christophe Cambadélis vient de lancer ce mercredi « l’Alliance populaire ». Pardon, « la Belle alliance populaire ». L’adjectif ajouté au dernier moment saura-t-il donner plus de lustre à ce nouvel objet politique ? Au moment où Nuit debout continue d’attirer Place de la République, où le nom du premier secrétaire est hué, de quoi cette alliance est-elle le nom ? D’une récupération maladroite de Nuit debout ? D’un nouvel élan pour la gauche qui lui assurera la victoire en 2017 ? D’un vrai-faux retour de la gauche plurielle, dont le même Cambadélis était l’un des initiateurs ?

« L’entre-soi, c’est terminé »

« C’est un rassemblement autrement » a expliqué Jean-Christophe Cambadélis dans un café du XIe arrondissement. Autour de lui, Julien Dray, proche de François Hollande, chargé au sein du PS de construire le mouvement, les quelques partis amis de la majorité – PRG, mais aussi l’UDE de Placé et Rugy – ou encore un ancien numéro 2 de la CFDT, le syndicat le plus proche du gouvernement, ou des associatifs. Mais à part le PRG, on ne retrouve pas les partis constitutifs de la gauche plurielle, EELV, PCF ou MRC, avec qui les ponts sont plus ou moins rompus. Un peu mince pour rassembler la gauche. Mais pas grave, ce n’est pas le but selon le patron du PS : « C’est fini les accords d’appareil. (…) Aujourd’hui, ensemble avec des syndicalistes, des associatifs, des formations politiques qui soutiennent la politique du gouvernement, et des citoyens, nous construisons quelque chose de nouveau, un rassemblement nouveau, ce qui nous permettra de fonder réellement, dans quelques temps, la belle alliance, l’alliance populaire » s’enthousiasme Jean-Christophe Cambadélis (voir la vidéo). Il ajoute : « Nous avons changé de méthode : l’entre-soi, c’est terminé. (…). Mais nous sommes interpellés par l’ensemble des citoyens. Il faut mettre les citoyens au cœur de la réflexion politique, qu’ils soient capables avec nous d’élaborer les réponses aux défis de l’époque ».

Une semaine après le lancement d’« En marche ! », mouvement « ni droite, ni gauche » d’Emmanuel Macron, pourtant adepte de l’économie de marché tendance libérale, Jean-Christophe Cambadélis a voulu faire vibrer la fibre socialiste. Le cœur est toujours à gauche, promis. L’approche de la présidentielle n’a évidemment aucun lien. « Qu’on arrête de jouer l’individualisme (…), nous voulons une alliance qui soit capable d’être l’alternative au libéralisme ambiant et au nationalisme conquérant » lance Camba, qui se place dans les pas de la Commune de Paris : « A quelques pas d’ici, en 1871, dans une rue de la Fontaine au Roy, la dernière barricade de la commune était enlevée par les troupes réactionnaires. Sur ces barricades on criait un mot : « Vive la Commune ! Vive le progrès ! » Et bien aujourd’hui, le courant progressiste a décidé de repartir à l’assaut, de se reconstruire ».

Hue : « Je ne veux pas être la roue de secours du PS »

Voilà pour le packaging. Le produit ne convient pas du tout à Robert Hue, président du Mouvement des progressistes. Il ne veut pas être de l’aventure. « Derrière l’alliance populaire en fait, (…) Jean-Christophe Cambadélis veut créer un nouveau grand parti social-démocrate, en absorbant les petites formations qui sont autour. (…) Je ne veux pas être la roue de secours du PS. L’alliance populaire, c’est le faux nez du Parti socialiste. (…) Je ne veux pas entrer dans une formation qui se déguise et qui à terme prendra une autre allure. (…) Derrière, ne nous cachons pas, il y a les investitures, qui seront très difficiles pour les législatives » lance le sénateur du Val-d’Oise, ancien secrétaire national du PCF, interrogé dans Sénat 360 sur Public Sénat (voir la première vidéo). « Ces initiatives, c’est les gens d’en haut (…) c’est quelque chose dans lequel les gens ne se retrouvent pas. Ce n’est pas ça dont veulent les gens. Ils veulent que ce soit les citoyens qui soient à l’initiative. On nous déguise des choses, comme l’alliance populaire, qui soi-disant partent des citoyens. Mais la réalité, ce sont tous des vieilles barbes qui apparaissent ! On n’en veut pas, il faut autre chose. Je l’applique à moi-même. Je suis pour qu’une génération nouvelle prenne part à une vraie union » ajoute Robert Hue. Voila la belle alliance rhabillée pour l’hiver, le printemps et toute l’année.

Gaëtan Gorce est sénateur socialiste. Mais pour cet ancien proche de Ségolène Royal, habitué aux critiques envers François Hollande, le nouveau rassemblement du PS ne trouve pas davantage grâce à ses yeux. Invité ce matin de Territoires d’Info, il a dénoncé des « simulacres » et des « mascarades »…

« La démarche de Macron est beaucoup plus originale » selon François Patriat

Le sénateur PS François Patriat a la dent moins dure contre la belle alliance populaire. Quoique. A peine créé, il taxe quasiment déjà de ringard le nouveau rassemblement… « Cette alliance est sans doute nécessaire, elle n’est pas innovante » a-t-il affirmé sur Public Sénat.

« La démarche du premier secrétaire est classique : celle de rassembler son camps » ajoute le sénateur PS de Côte-d’Or. Ce soutien d’Emmanuel Macron préfère la démarche du ministre de l’Economie. « Celle d’Emmanuel Macron est différente : c’est aller à la rencontre des citoyens, de jeunes qui ne veulent plus des partis politiques. (…) La démarche du premier secrétaire est de rassembler son camp. Celle de Macron, c’est d’élargir. (…) Elle est beaucoup plus originale ». Jean-Christophe Cambadélis pourra déjà essayer de faire l’alliance… au sein du PS.