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Robert Hue sur l’aide publique au développement : « Redoubler d’efforts pour éliminer la pauvreté ».

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues,

Un sixième de l’humanité est encore plongé dans l’extrême pauvreté, dont une majorité de femmes et d’enfants. C’est certes deux fois moins qu’il y a 25 ans, mais cette réalité, encore préoccupante, nous impose de redoubler d’efforts pour éliminer la pauvreté – et non pas seulement la réduire –, conformément aux 17 nouveaux « objectifs de développement durable » adoptés lors du sommet des Nations unies de septembre dernier.

Nous le savons tous ici, la misère est une source de tensions dans de nombreuses régions du monde, fait que les désordres climatiques risquent d’accentuer par le biais de déplacements de populations prévisibles.

Alors, la France doit absolument tenir ses engagements pour contribuer efficacement et de façon significative aux objectifs fixés par la communauté internationale.

Je juge positifs les aménagements à ce projet de budget votés par nos collègues députés. Néanmoins, l’aide publique au développement semble devoir demeurer au niveau de 0,38 % du revenu national brut, encore loin de la cible de 0,7 % que d’autres pays européens sont pourtant parvenus à atteindre.

Comme l’a indiqué notre collègue Yvon Collin, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement », il eût été préférable, en cette année de grands rendez-vous internationaux sur l’aide au développement, d’afficher un budget plus ambitieux. Néanmoins, complétant ainsi les propositions de nos collègues députés, le Gouvernement a envoyé un signal grâce, notamment, à l’amendement qu’il a déposé visant à majorer de 100 millions d’euros le montant de la taxe sur les transactions financières affecté au Fonds de solidarité pour le développement.

Par ailleurs, le Président de la République a fait lors du sommet de New York des annonces qui pourraient réorienter nos efforts à la hausse. Je m’en réjouis.

Enfin, j’ajouterai que le montant de l’aide publique au développement versé par les pays du Comité d’aide au développement de l’OCDE a atteint en 2014 son plus haut niveau, soit 135,2 milliards de dollars.

Je souhaite cependant souligner que l’aide au continent africain versée dans ce cadre du Comité d’aide au développement a diminué de près de 5 % entre 2013 et 2014.

S’agissant de l’aide française, qui nous intéresse directement, là aussi, les moyens fléchés vers l’Afrique se tassent un peu, même si cette zone reste prioritaire. À mon sens, il est important de ne pas relâcher les efforts déployés en direction du continent africain qui, vous le savez, mes chers collègues, est le continent de tous les défis.

Est-il utile en effet de rappeler que l’Afrique, avec deux milliards d’habitants attendus à l’horizon 2050, est consubstantielle à l’avenir de la planète ? Elle pose donc un défi démographique, un défi climatique, à l’évidence, un défi sanitaire, comme nous l’avons vu avec le virus Ebola, et enfin, dans la bande sahélo-saharienne, un défi sécuritaire.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Très bien !

M. Robert Hue. Si la Banque africaine de développement observe cette année une hausse de la croissance économique, qui serait de l’ordre de 4,5 %, ce chiffre occulte des disparités importantes entre les 57 pays africains, disparités que l’aide au développement peut contribuer à atténuer. Pour cela, il faut bien entendu concentrer notre soutien sur les pays les moins avancés, les PMA.

À cet égard, j’observe que le rapprochement entre l’Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations facilitera un accès de l’opérateur aux fonds propres ; c’est une nécessité afin de pouvoir prêter davantage. Toutefois, permettez-moi, madame la secrétaire d’État, de souligner l’importance de conserver un juste équilibre entre la part des dons et celle des prêts au sein de l’aide versée, en particulier, aux PMA.

M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. Robert Hue. J’ajouterai que la forte orientation des moyens vers les projets à dimension environnementale est indispensable. Pour autant, elle ne doit pas se faire au détriment des programmes en faveur de l’éducation et du développement rural, deux priorités fortes en Afrique à mon sens.

Enfin, il est un sujet auquel je suis très attaché et auquel les ONG s’intéressent depuis très longtemps : la lutte contre l’optimisation et la fraude fiscales dans les pays en voie de développement où l’on constate des taux d’imposition à peine supérieurs à 15 %. Pour lutter contre la pauvreté, la mobilisation des ressources domestiques est essentielle, sous réserve qu’elle soit menée de façon équitable et que les populations voient des résultats significatifs en matière d’infrastructures, de transport et d’énergie. L’OCDE s’est emparée de cette problématique : c’est une bonne chose.

Mes chers collègues, en ces temps troublés où la sécurité de la France se joue sur d’autres continents, il me semble que le seizième objectif de développement durable, « Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques, l’accès de tous à la justice et des institutions efficaces », a aujourd’hui une résonnance particulière.

Comme j’ai souvent eu l’occasion de le dire ici, le développement est une des premières conditions de la paix. C’est pourquoi il nous faut être à la hauteur des enjeux. Je ne doute d’ailleurs pas, madame la secrétaire d’État, que vous aurez à cœur de mettre en œuvre les promesses du Président de la République pour que la France honore ses valeurs d’humanisme et de fraternité.

Voilà les raisons qui conduisent le groupe du RDSE, en dépit des réserves que j’ai émises, à voter ces crédits. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)

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