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Une loi inutile : la loi sur la burqa !

fize Il y aura donc, malgré l’avis répété contraire du Conseil d’Etat (et à moins d’une censure du Conseil Constitutionnel), une loi portant interdiction générale du port du voile intégral (cachant le visage) dans l’espace public, la France rejoignant ainsi la position de la Belgique (qui nous avait habitué à plus de tolérance).

Après la loi interdisant le voile à l’école, après le houleux débat sur l’identité nationale, voici donc une nouvelle décision gouvernementale, qui, cette fois, sanctionne la burqa. Points de ressemblance entre ces trois événements : la communauté visée, qui est essentiellement musulmane. Ce n’est pas un hasard.

Retour en arrière. La poignée de jeunes filles qui, il y a quelques années, se présentaient voilées dans leurs établissements scolaires appartenaient en effet majoritairement à cette communauté. Et, bien sûr, il n’a échappé à personne que le débat sur l’identité nationale s’est largement focalisé sur l’immigration maghrébine. La future loi sur la burqa remet l’Islam au coeur de l’attention publique.

Comme le débat sur l’identité nationale, la loi sur la burqa est à la fois inopportune et dangereuse, et, au final, fort peu démocratique.

Inopportune tout d’abord. Alors que des millions de Français doivent faire face à une crise économique sans précédent (depuis1929), que beaucoup s’interrogent sur leur avenir, que d’autres, toujours plus nombreux, ne savent plus comment boucler leurs fins de mois, Nicolas Sarkozy et ses amis nous sortent de leur chapeau une énième « loi-écran » (des vrais problèmes). S’inscrivant dans un renouveau d’intérêt du gouvernement pour le thème (éculé) de la sécurité, le texte sur le voile intégral vise sans aucun doute à « rapatrier » les voix égarées des électeurs du Front national que l’actuel président avait su séduire en 2007. Il s’agit donc là d’une grossière manipulation des autorités publiques, dont les Français ne sont pas dupes.

Comme souvent, dans cette affaire, le gouvernement a procédé par amalgame. Femme voilée = femme contrainte. Corps masqué = atteinte à la dignité de la femme. Or, les 2 000 femmes qui portent le voile intégral ne forment pas une population homogène, loin s’en faut. Elles sont à la fois majeures et mineures, mariées et célibataires, religieuses et laïques. Certaines, à n’en pas douter, subissent moult pressions de leur entourage (conjoint, parents, grands frères…), pour se recouvrir le corps de ce voile que le Coran n’a pourtant jamais imposé à aucune femme (à cet égard, le seul point positif du projet de loi est la sanction promise à ces hommes usant de leur autorité pour exercer la contrainte). D’autres femmes cependant, qui sont plus jeunes, adolescentes quelquefois, ne voient dans le voile qu’une énième manière de se distinguer des autres membres de leur communauté (juvénile), un peu comme le font les « gothiques », toutes vêtues de noir, ou les « lolitas », habillées de rose, que l’on voit, ici ou là, déambuler dans nos villes.

L’affaire de la burqa est sérieuse, mais pour d’autres raisons que celles évoquées par le gouvernement. Si la République, pensons-nous, ne peut gérer ses différences culturelles et religieuses (ou simplement vestimentaires), des différences dont on dit justement qu’elles font sa richesse, c’est qu’elle manque singulièrement de confiance en elle et en ses valeurs. Si l’Islam fait peur à ce point à notre République fraternelle, c’est qu’elle n’est pas bien sûr de sa laïcité – qui est pourtant une valeur de tolérance et d’ouverture. La République française, nous dit-on, respecte toutes les croyances, à condition que les croyants ne les expriment pas ostensiblement et en laisse les symboles à la maison. C’est ici oublier que l’Islam est une « religion globale », qui saisit le sujet dans sa totalité. Nulle distinction dans cette religion entre privé et public. Ne pas voir cela, n’est-ce pas vouloir laïciser la religion musulmane ?

Loi inopportune donc que cette loi sur la burqa, loi dangereuse aussi. On a déjà fait remarquer, dans maints papiers, que ce nouveau texte législatif risquait de stigmatiser un peu plus une communauté, la communauté musulmane, déjà fort maltraitée (logement, emploi, santé…), dans ce pays. A l’heure où nous avons besoin de faire bloc contre l’adversité économique et sociale, une telle loi ne peut qu’attiser des divisions préjudiciables à tous.

Certes nous comprenons que le voile intégral – qui paraît porter atteinte à la liberté de la femme (et y parvient parfois en cas de contrainte) – puisse choquer certains de nos concitoyens, qu’il puisse contrarier des règles de sécurité, qu’il faille, en certaines circonstances, pouvoir identifier une personne. Est-ce suffisant pour faire voter une nouvelle loi répressive ? Non. Alors, de même que nous nous étions opposés naguère à la loi prohibant le voile dans les écoles, nous nous opposons de la même manière à la loi interdisant la burqa (une loi qui de surcroît risque d’être inapplicable), que l’interdiction soit totale ou simplement partielle. Pas de loi ! Une sage concertation paraît préférable, qui viserait à concilier les intérêts des uns et des autres, dans les écoles, les hôpitaux….

La République sakozyste condamne la burqa, la démocratie française doit l’admettre (quand,naturellement, elle est libre choix des intéressées) , au nom même des valeurs de liberté et d’égalité qu’elle défend.

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