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Universités en berne et désespoir étudiant : la promesse d’un avenir en ruine.

Un article de Sébastien NADOT, député de Haute-Garonne, membre du Mouvement des Progressistes, paru le 18 janvier 2021 sur le blog de Mediapart.

Avis du Conseil scientifique COVID-19 du 12 janvier 2021 : « Pour les universités, il parait raisonnable d’envisager une reprise partielle du présentiel accompagnée d’une politique de tests et de dépistage très large et répétée compte tenu des conséquences psychiques actuellement observées chez les jeunes. »

L’avis du conseil scientifique du 12 janvier (dont on n’a pu avoir connaissance que le 15 janvier, c’est-à-dire le lendemain du discours du premier ministre…) n’aura donc pas été suivi.

Les témoignages d’étudiants ne manquent pas. Le passage à l’acte irréparable de certains d’entre-eux non plus. N’importe quel prof de fac, président d’université, personnels des campus et des Crous vous le dira : les étudiants de France sont entrés massivement dans une phase dramatique – et largement perçue comme telle par eux – de leur vie. Il y a ceux qui n’ont plus retrouvé le chemin d’une salle de TD ou d’amphi depuis mars 2020, ceux qui se sont mis à ne manger que des pates et bientôt à sauter un repas sur deux, ceux qui entament leur tout petit capital ou celui de leurs proches pour conserver un toit en ville universitaire et tous ceux qui mesurent bien qu’ils font partis des sacrifiés de la crise sanitaire. Les très inégaux enseignements à distance ont fait long feu. La situation est explosive.

Face au premier ministre Jean Castex (qui s’oppose au retour en jauge réduite de l’ensemble des étudiants) ni les présidents d’université, ni les appels au secours des profs, ni la voix des syndicats et associations étudiantes n’ont infléchi celui qui voudrait se faire le « père la rigueur » de la nation au nom de l’intérêt général. Les acteurs de l’université dans leur ensemble auront beau réclamer une plus grande confiance et de la souplesse pour « sauver le second semestre », rien n’y fait. Le fantôme de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation semble avoir circonscrit son terrain de jeu à quelques laboratoires parisiens, oubliant que son ministère est censé apporter des SOLUTIONS aux près de 3 millions d’étudiants en France.

3 millions de sacrifiés sur l’autel d’une crise sanitaire dont on ne connait pas la durée. Utilisant un conditionnel timide, « les étudiants de première année seraient autorisés à revenir suivre leurs travaux dirigés (TD) en demi-jauge, à compter de lundi 25 janvier » déclarait la semaine dernière le premier ministre. L’annonce étant conditionnée à l’évolution des courbes du virus dont on sait qu’elles repartent à la hausse ! Promesse de Gascon.

Il y a l’urgence. La détresse psychologique des uns, la mise à l’index social des autres, et tous ces jeunes sans ressources et sans lendemain matin. La pérennisation des renforts de 80 psychologues et 60 assistants sociaux pour toute l’année civile 2021 : voilà la réponse du gouvernement à 3 millions de jeunes. Apparemment, le « quoi qu’il en coute présidentiel » ne fait pas d’études…

Il y a aussi le sacrifice français imposé, sans débat, sans recherche du consensus, sans explication. L’université n’est pas seulement le lieu de formation professionnelle dont on pourrait ignorer l’intérêt actuellement en se disant que de toutes les manières, comme il n’y aura plus d’emploi demain, à quoi bon former les jeunes ?

L’université, dans sa fonction première, essentielle, originelle, est de préparer les jeunes à devenir des citoyens éclairés.

La démocratie tire sa force d’une citoyenneté instruite, de la capacité de chacun à résister au mensonge, aux incitations cachées, bref d’une meilleure compréhension du monde et des autres. En plongeant les étudiants dans le bouillonnement virtuel et en les y maintenant sans jamais soulever le couvercle, ce n’est pas seulement une génération qui se trouve noyée dans la guerre désordonnée au virus, qui plus est peu agressif contre elle. Elle est empêchée de faire ses apprentissages sociaux à l’heure. Faute de volontarisme à chercher des solutions adaptées avec elle, à lui faire confiance, avec cette génération abimée, c’est un projet de société reposant sur l’idéal démocratique qui ne pourra venir. 

Tout se passe comme si le gouvernement avait décidé la grève pour toute cette construction de soi dans son rapport à l’autre, dans son rapport au collectif et au monde, dont les fondations se trouvent au carrefour de la pratique sportive, des enrichissements culturels variés, des enseignements universitaires et du mélange de toutes ces expériences vécues.

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