Budget 2014 : Au milieu du gué

dbeglesexecutifPar Dominique Bègles, Journaliste, Membre de l’éxecutif national du MUP.

Le gouvernement a présenté, mardi, les grandes lignes de la loi de Finances pour 2014. Le projet de loi n’est donc pas encore connu dans ses détails. Des arbitrages et de nombreux réglages sont attendus. C’est donc sur les orientations annoncées qu’il est possible de tirer quelques commentaires.

«Un budget réformiste et de combat pour la croissance et pour l’emploi », a indiqué Matignon. Réformiste, il l’est en effet. Social-démocrate quant à son inspiration, et c’est au demeurant sans surprise. En conséquence, la grande réforme de la fiscalité annoncée, mettant notamment plus fortement à contribution les revenus financiers, n’est toujours pas vraiment programmée. Tout comme sont toujours attendus l’inventaire des aides publiques aux entreprises et l’examen de leur efficacité pour l’emploi, comme le demande les Progressistes avec le MUP.

En réalité, plusieurs lectures en sont possibles. Celle qui constaterait une approche privilégiant l’offre, c’est-à-dire les entreprises via la baisse du coût du travail et autres aménagements fiscaux dans la ligne du CICE. Celle qui pourrait aussi se féliciter que la demande n’est pas oubliée via des dispositions allégeant la fiscalité des familles les moins aisées et donc leur pouvoir d’achat. La vérité est qu’il s’agit d’un mélange des genres significatif de la démarche pragmatique revendiquée et assumée par  François Hollande. Une démarche visant à avancer en crabe et satisfaire un peu tout le monde, dictée par les attentes des Français et leurs inquiétudes autant que par la crainte des marchés. Elle est expliquée par un artifice lénifiant. « Ne pas opposer l’offre et la demande, aider les entreprises à créer des emplois, c’est donner du pouvoir d’achat à ceux qui les occupent ». Un axiome, notons-le, à mille années lumières de celui de la droite qui prétendait que « les bénéfices et les dividendes d’aujourd’hui étaient la condition des emplois de demain ». On a vu les bénéfices, mais jamais vraiment l’emploi. Pour autant, à ne pas choisir entre l’offre et la demande, le gouvernement handicape sans aucun doute le rythme et l’élan de son ambition transformatrice.

Ceci posé, on peut se féliciter d’un certain desserrement de la rigueur que le Mouvement Progressiste (MUP) avait souhaité. Le gouvernement, en effet, se donne un délai supplémentaire pour satisfaire aux exigences d’un déficit inférieur à 3%, jusque-là dogmatiquement imposé par les traités européens sous pression des marchés financiers. Il faut y voir une concrétisation des efforts du Président de la République qui, s’il n’a pas réellement pu renégocier ces traités, du moins en a-t-il relativisé et revisité les impératifs catégoriques, à la différence de la droite sarkozyste. Ce desserrement donne un peu d’air dans une conjoncture économique nettement plus favorable à celle de 2012.

Il reste que la réduction des déficits publics est souhaitable. Or, le non choix entre une politique favorable à l’offre et une politique favorable à la demande, conduit le gouvernement à des réductions drastiques des dépenses publiques. Des économies de moyens et d’échelle sont sans aucun doute nécessaires. Mais l’effort proposé est à hauteur de 80%, se répartissant pour 15 milliards d’euros sur les baisses de dépenses, et pour 3 milliards d’euros sur les impôts. La baisse des dépenses publiques, qui épargne les secteurs prioritaires de l’action gouvernementale que sont l’école, la justice et la sécurité, est de 9 milliards affectant le fonctionnement mais aussi les investissements. Ce dispositif  s’oppose à l’effort global de relance. La baisse concerne aussi les collectivités locales dont les dotations seront réduites, ce qui constitue une entrave à l’investissement local créateur d’emploi et de développement économique, et surtout une incitation à une augmentation de la pression fiscale locale. Enfin, les mesures de ce type affecteront en outre la sécurité sociale, l’accent étant mis, dit-on, sur la maîtrise  des dépenses de santé, ce qui n’est pas sans inquiéter quand on connaît, par exemple, les difficultés héritées des politiques passées des majorités de droite qui sont celles des hôpitaux publics. S’il n’est pas possible de recoudre les déchirures laissées par la droite, sans doute s’agira-t-il de nuancer dans le débat parlementaire le paquet qui est proposé.

Enfin, on se gausse beaucoup, à droite, sur la pause fiscale annoncée par François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Il y a là pas mal de mauvaise foi qui fonctionne par amalgame. Le projet du gouvernement envisage de ramener à 3 milliards d’euros la pression fiscale. La vérité commande de dire que sur ce montant, 2,5 milliards incomberaient aux entreprises, les ménages en supportant 5 milliards, et les rentrées engendres par la lutte contre la fraude fiscale étant situées à 2 milliards. Encore faut-il spécifier. Il y a ménages et ménages. La baisse du quotient familial ne touchera que les familles les plus aisées. De même, l’augmentation des taux de la TVA s’accompagne d’une baisse de cette taxe sur les produits de première nécessité (5 points) quand Nicolas Sarkozy entendait porter le taux général  de 19,6 à 21,2. On devrait aussi en savoir plus sur l’application de la promesse électorale de François Hollande de taxer à 75% la part des salaires supérieure à 1 million d’euros par an. Mais on se félicite de l’arrêt du gel du barème de l’impôt sur le revenu qui, par effet mécanique, faisait entrer chaque année, de nouveaux assujettis peu aisés dans le système.

En l’état, le projet de loi de finance s’essaie à une sorte de quadrature du cercle. Le risque est qu’il mécontente tout le monde, en dépit d’incontestables efforts vers la justice cependant affaiblis par la persistance d’une visée idéologique opposant justice et création d’emplois.

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