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La guerre des riches

richesDéjà sévèrement amputé depuis le milieu des années 70, le modèle social français, né du programme du Conseil national de la Résistance, vit ses dernières heures. Le président de la République a eu beau reconnaître qu’il a permis à notre pays d’être moins frappé que d’autres par la crise et lui affirmer son attachement, il s’apprête en réalité à lui porter le coup fatal.  Car de la même manière que le démantèlement du régime de retraite par répartition au profit d’assurances privées (marché dans lequel le frère de M. Sarkozy est déjà bien placé grâce à une joint-venture avec le CNP, indirectement contrôlé par l’État) était bouclé avant même les rencontres avec les syndicats, la privatisation de la Sécurité sociale est en préparation, comme le démontrent deux récents articles de Mediapart[1]

Le « débat » en cours sur le financement de la dépendance aura pour effet, à terme, de transférer au privé une partie de sa prise en charge. Il s’agit bien sûr officiellement de « garantir » ce financement, comme il s’était agi de « sauver » la retraite par répartition. Le procédé est désormais classique : après avoir organisé le déficit à coups d’exemptions de cotisations et de baisse de l’impôt sur les sociétés, la droite prétendra qu’une « réforme » est indispensable. Réforme qui ne visera bien évidemment pas à rétablir les sources de financement pérenne de la Sécurité sociale, mais qui baissera le niveau de prestations et ouvrira un peu plus le formidable marché de la santé aux… sacro-saints marchés. C’en sera alors fini de la colonne vertébrale du modèle social français.

Contrairement à ce que prétendent les discours lénifiants de la droite, le but n’est pas d’« adapter » la France à la compétition internationale entre nations ou de favoriser l’initiative privée qui aurait pour conséquence de créer des emplois, mais bien d’accaparer toujours plus de richesses. La chrématistique a pour habitude de se parer de pseudo-vertus économiques. Ainsi la donnée économique majeure de ces trente dernières années réside dans le détournement de plus de 9 % du PIB du travail au profit du capital. Cette captation s’est faite à coups de cadeau fiscaux et de dons aux entreprises. Les niches fiscales et les dépenses en faveur des entreprises et de leur actionnariat atteignent désormais les sommes faramineuses de 75 et 170 milliards d’euros ! Les causes des déficits de la Sécurité sociale et du régime de retraite sont là. Les « féodalités économiques et financières » dénoncées par le programme du CNR ont repris la « direction de l’économie » et la modèlent à leur seul avantage. Ce qu’un autre « décomplexé », le milliardaire Warren Buffet, exprime en ces termes : « Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner. »[2]

Il est donc des voix, au sein du camp conservateur, plus honnêtes que celle du président de la République. Dans un éditorial devenu fameux[3] de 2007, M. Denis Kessler décryptait dans les termes suivants le programme de M. Sarkozy, qui « peut donner une impression de patchwork » mais qui recèle « une profonde unité » : « défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! » Force est de constater, après bientôt quatre ans de mandat, que cette « unité » est respectée.

Notre pays se trouve donc à un nouveau tournant de son histoire, n’en doutons pas.  À ce titre, la gauche a une responsabilité politique immense à assumer. Elle seule peut sauver ce compromis historique qu’elle avait conclu, grâce à l’éviction du patronat, avec la droite non-collaborationniste. Mais pour cela, il lui faudra faire taire ses divisions, et savoir se rassembler, le plus largement possible et dans l’unité, en vue de la séquence électorale de 2012. Le camp progressiste ne peut laisser détruire ce qui a fait la richesse et la grandeur de notre nation.

Nos atouts sont bien plus nombreux qu’à la Libération, dans un pays en ruines et exsangue. La France doit avoir confiance en son avenir et en ce qui a fait son identité. Elle dispose de toutes les ressources humaines et naturelles pour inventer un nouveau mode de développement qui assure les conditions matérielles indispensables à la dignité et à l’épanouissement de chacun de ses citoyens. C’est à cette condition que de nouveaux « jours heureux » seront possibles.

Mais les Français se montrent défiants à l’égard de la classe politique, ce qui n’épargne pas la gauche. Ils ne croient plus qu’un parti puisse avoir réponse à tout, et surtout, ils se méfient des fameuses promesses qui n’engagent que ceux qui les écoutent. La parole verticale ne passe plus. Les citoyens souhaitent davantage être écoutés et participer à l’établissement des programmes politiques. Il nous faut donc repenser entièrement notre mode d’élaboration et de présentation de notre offre politique.

Face à la menace qui pèse sur notre modèle social et à l’impérieuse nécessité d’une victoire des forces progressistes en 2012, les représentants de toutes les formations politiques, des associations, des syndicats, les artistes, les intellectuels et toutes les organisations qui se sentent concernées par la restauration et la revalorisation de notre modèle social ont le devoir de se retrouver afin de constituer un socle d’union à même d’emporter la victoire.

 Bernard Servoz, militant du Mup Argenteuil

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