La Jeunesse a-t-elle un avenir ?

Par Michel FIZE, Délégué national du MUP à la Jeunesse.

 

La jeunesse, que le candidat François Hollande, au cours de sa campagne présidentielle, définissait comme une priorité politique, sinon SA priorité politique : combien de fois n’a-t-il dit ambitionner qu’à la fin de son quinquennat cette jeunesse vive mieux qu’aujourd’hui ? (toutes les études montrent en effet que si rien n’est fait les jeunes Français vivront moins bien que leurs parents : c’est donc à la perspective d’une véritable « rétrogradation sociale » que nous sommes confrontés), la jeunesse, disions-nous, demeure une question sociale centrale.

Six mois après l’élection de François Hollande, la jeunesse demeure ce « grand chantier »  auquel nous faisions référence dans ce texte de novembre 2011 (ici remanié) : chantier économique et social, chantier financier, chantier européen, chantier écologique, chantier sanitaire, chantier judiciaire – chantier, écrivions-nous alors, sur lequel toutes les forces de gauche et de progrès ont vocation à se retrouver.

Rappelons pour commencer quelques désagréables vérités : c’est bien, quoi qu’on dise ou puisse penser, la jeunesse qui souffre le plus de la crise, c’est elle qui s’est appauvrie le plus durant ces vingt dernières années et qui s’appauvrit chaque jour davantage. Bien sûr, les jeunes ne sont pas les seuls, à connaître des conditions de vie calamiteuses, mais leur situation est tout de même parmi les plus préoccupantes qui soient. « Il n’y eut jamais génération qui ait été, dès le seuil de la vie, reconduite aussi durement, aussi ingratement que la nôtre, qui ait été reçue avec un tel mépris par ses aînés ». Cette phrase est de Péguy et a été écrite il y a plus d’un siècle. Quelle actualité !

Partout en réalité, sous toutes les latitudes, dans tous les régimes,  la jeunesse est en difficulté. Pourtant, malgré les obstacles qui se dressent sur sa route, partout elle fait preuve de combattivité, de courage, de détermination. Comme disait Alain, il y a tout juste 100 ans, « elle n’a pas peur », et c’est bien ainsi.

Transformer cette situation, telle est le défi que s’est lancé François Hollande, que nous partageons naturellement au MUP. Cela suppose que la jeunesse émerge bien comme une vraie priorité publique autour de laquelle toutes les générations, toutes les classes sociales puissent se retrouver. Nous sommes loin du compte !

Le problème majeur des jeunes, c’est l’emploi : 23 % des jeunes en situation de travailler, et le double dans les cités, voire davantage encore en outre-mer – n’en ont pas – soit plus du double de la moyenne nationale (10 %). Ajoutons que 30 % des diplômés doivent attendre en moyenne un an pour décrocher un travail. Plus généralement, la durée moyenne de recherche d’un premier emploi est actuellement, dans 30 % des cas, de deux ans et demi). Le tout accompagné d’un déclassement qui traduit la différence entre le niveau d’études et le niveau d’emploi. Un seul exemple : en Ile de France, selon une étude récente de l’INSEE, 48 % des emplois non-qualifiés sont occupés par des diplômés. Et, lorsque les plus chanceux sont enfin parvenus au travail, outre le fait d’être déclassés, ils se voient confrontés à un nouveau problème, celui de décrocher un emploi stable (le fait est rarissime : il faut plusieurs années, atteindre souvent l’âge de 30 ans, pour obtenir un CDI et, de toute façon, seuls 15 % y parviendront).

Nous sommes bien, en 2012, plus que jamais, face à une « génération précaire », une génération qui, en cas de crise économique (nous l’avons vu en 2008), sert toujours de première « variable d’ajustement » : comme c’est elle qui occupe les emplois les plus fragiles, c’est elle qui tombe, la première, sur le front économique.

Le MUP salue donc, sans réserve, les premières mesures de François Hollande en faveur de l’emploi des jeunes : 150 000 emplois d’avenir d’ici à 2014, des contrats de génération en nombre à venir. Il salue ces avancées significatives. Les Progressistes pensent néanmoins qu’il faudrait prévoir d’aller plus loin encore, et poursuivre la création d’emplois d’avenir tout le long du quinquennat, à raison de 50 000 par an, ce qui permettrait d’atteindre le chiffre plus approprié de 300 000.

Le MUP salue encore les projets de la ministre de la santé visant à assurer la gratuité des moyens contraceptifs pour les mineures.  Il salue une politique pénale réellement de gauche, notamment pour les mineurs, de la Garde des Sceaux, Christiane Taubira. Il salue la concertation scolaire mise en place par Vincent Peillon, qui a débouché sur un rapport extrêmement novateur et riche d’espoir à venir.

Car la situation scolaire de la jeunesse demeure aussi inacceptable que sa situation devant l’emploi : 150 000 élèves sortant chaque année sans formation ni diplôme, 130 000 décrocheurs, sans doute 300 000 élèves absentéistes, 20 % d’étudiants quittant l’université sans aucun titre.

Les conséquences de ces situations sont connues : les jeunes restent de plus en plus longtemps sous le toit familial (ils en partent en moyenne à 28 ans – et même 32 ans en Espagne) et, quand ils en partent enfin, ils y reviennent souvent, faute de revenus suffisants pour vivre de façon totalement autonome (il faut savoir que près de 20 % des jeunes qui n’habitent plus chez leurs parents vivent sous le seuil de pauvreté). Etre chômeur, c’est donc être contraint, dans deux cas sur trois, de rester vivre chez ses parents. Etre travailleur précaire, c’est s’exposer au même risque : quand on n’a pas d’emploi qui offre suffisamment de garanties et de rémunération, l’autonomie est en effet impossible.

Les étudiants sont-ils mieux lotis ? Non. La moitié d’entre eux vit aujourd’hui avec moins de 400 € par mois. Près d’un sur deux est même obligé de travailler pour financer ses études. Les conséquences, là encore, sont catastrophiques, en matière de santé notamment. En 2011, 34 % des étudiants ont du renoncer à une consultation médicale et 20 % à un traitement, pour de simples raisons financières.

La création d’une allocation d’autonomie, prévue dans les 60 engagements de François Hollande, est donc plus opportune que jamais. Le MUP la soutient, sans réserve à nouveau. Sa position est claire. Tout citoyen de 16 à 25 ans devrait pouvoir bénéficier d’une telle allocation, soit pour poursuivre sereinement ses études, soit pour s’insérer normalement sur le marché du travail. Cette allocation, comme le suggère Robert Hue, devrait, à terme, être financée par une hausse des cotisations patronales, pour la connecter directement au monde professionnel. Cependant, pour éviter d’aggraver le trou de la Sécurité sociale, les premières années de son application, il serait créé un « fonds de distribution », financé par un transfert immédiat de 10 % des dépenses militaires, soit 4 milliards d’euros. Voilà bien une réforme de solidarité sociale.

         Par ailleurs, le RSA devrait être étendu à tous les moins de 25 ans, sans autres conditions que celle des ressources familiales disponibles.

Les Progressistes pensent finalement que la jeunesse ne saurait être seulement une « priorité politique » (ce qu’au demeurant elle est loin d’être pour tous les partis politiques), qu’elle doit aussi devenir une « grande cause nationale », ce qui suppose de définir pour elle une véritable POLITIQUE GLOBALE, un « Plan d’ensemble », qui vise à la fois une meilleure insertion dans les domaines de l’éducation, de l’économie, de la santé, du logement, de l’engagement public. C’est pourquoi, le MUP estime plus urgent que jamais, pour la mise en œuvre d’un tel plan, d’instituer au sein du gouvernement, un grand Ministère de la Jeunesse et de la Solidarité entre générations – décision qui, par ailleurs, serait une marque de respect envers la jeunesse et un signe fort de collaboration des générations. Le symbolique, c’est important, aussi, en politique !

Que préconisons-nous pour améliorer sensiblement la vie des jeunes, selon le souhait du Président lui-même ?

Commençons par le domaine économique. Il fautréduire progressivement les emplois précaires occupés par les jeunes. Les contrats à durée limitée ne devraient plus pouvoir être renouvelés indéfiniment. Au terme de la deuxième ou troisième année d’activité professionnelle, tout contractant devrait se voir proposer un CDI. Par ailleurs, toute action de formation professionnelle a vocation, partout, à être qualifiante. Les stages non-rémunérés enfin doivent être supprimés, et ceux qui sont maintenus, ne doivent plus constituer des postes de travail déguisés.

Dans le domaine du logement, il faudrait, pour les étudiants d’abord, développer le parc des résidences universitaires et ensuite, pour les jeunes à bas revenus, réserver des logements dans le parc du logement social neuf.

Dans le domaine de la santé, l’on pourrait imaginer d’accorder les soins gratuits, au moins pour les enfants et les adolescents jusqu’à 15 ou 16 ans.

Dans le domaine de l’Education à présent, qui est essentiel, il faudrait agir sur plusieurs leviers à la fois. Sur les moyens bien sûr. Sur les missions aussi.

Les moyens humains doivent être accrus : 60 000 enseignants et/ personnels éducatifs et sanitaires supplémentaires, alors que nos classes sont surchargées et stressées, est une mesure de François Hollande tout à fait « normale ». Le MUP partage aussi l’idée qu’à l’avenir, les enseignants reçoivent, comme autrefois, une formation digne de ce nom.

Allant plus loin que les conclusions de la concertation Peillon, les Progressistes estiment que les missions de l’école doivent être plus clairement redéfinies car il s’agit rien moins que de gagner, demain, le pari de la réussite scolaire généralisée. L’Ecole, qui s’est gravement enfoncée dans l’élitisme durant ces quinze dernières années, doit en effet être pour tous, non pour quelques-uns. La réussite ne doit plus être une possibilité mais un droit opposable. Il faudra donc changer les pédagogies, ou plutôt les « individualiser »,« sécuriser » le parcours scolaire, en permettant à chaque élève d’inscrire son action et ses efforts dans la réussite et l’espoir. La seule réforme des rythmes scolaires trop lourds et générateurs de stress ne saurait tenir lieu de Refondation scolaire.

L’école de demain devra à la fois transmettre des savoirs utiles, revus et corrigés, mieux articulés entre eux, dispenser les bases essentielles de culture générale, aider à la construction de l’identité de chacun et à la citoyenneté de tous.

Il faudra valoriser aussi les pratiques de collaboration des élèves et sortir progressivement du « tout compétitif », qui prépare mal les jeunes à la vie professionnelle, faite d’abord, on l’oublie souvent, de travail d’équipe. Il faudra bien sûr développer l’apprentissage, à condition  qu’il ne soit ni précoce ni précipité (de ce point de vue, l’apprentissage à 14 ou 15 ans, tandis que les volontés personnelles ne sont pas encore très assurées, ne représente qu’une régression sociale inadmissible). D’une manière générale, il faudra « personnaliser » l’orientation des élèves et la rendre toujours réversible : le droit à l’erreur d’orientation doit être reconnu à tous. Il faudra par ailleurs, à tous les échelons de l’enseignement, secondaire et supérieur, et pour tous les types d’études, aller plus loin encore dans la formation par alternance dont l’efficacité n’est plus à démontrer. Comme l’indiquait François Hollande, durant sa campagne, la formation professionnelle devra aussi à l’avenir être une obligation dans l’entreprise, et pas simplement un droit.

Il nous faudra enfin réfléchir au statut du diplôme. En France, sans lui, rien n’est réellement possible. Or, il me semble que « trop de diplômes (il en existe des centaines différents) tue le diplôme ». Nous devrons donc réfléchir à d’autres modes d’évaluation des compétences et des talents, plus pertinents assurément.

Dans le domaine politique, que l’on ne saurait oublier, il faudrait être plus audacieux et résolu. Puisque les jeunes sont bien des « citoyens comme les autres », comment ne souhaiterions-nous pas les introduire davantage dans la dimension politique, les associer mieux au jeu institutionnel, aux responsabilités ? Les jeunes ne demandent qu’à s’engager, et pas seulement dans les rangs des « indignés ». On peut imaginer ici plusieurs « façons de faire ». Il serait démocratiquement sage de les faire entrer en plus grand nombre, par exemple, dans les assemblées de la République, locales et nationales, ainsi que dans les instances dirigeantes des formations politiques et syndicales où ils peinent à se faire entendre.

Pour développer mieux encore le goût de la chose publique, on pourrait enfin songer à un abaissement de l’âge du droit de vote, sans modification de la majorité civile qui resterait à 18 ans. En effet, 16 ans paraît un âge « normal » pour prendre part aux élections locales, et pourquoi pas nationales.

Le candidat François Hollande avait raison : « Quand un pays n’est pas capable de donner à la jeunesse un avenir [j’ajouterai un présent aussi], ce n’est pas elle qu’il faut accabler mais ceux qui le dirigent ». Une société, une politique, dignes de ces noms, en effet, se jugent au sort qu’elles réservent aux plus faibles et aux plus démunis : les jeunes font désormais partie de cette catégorie – catégorie au sein de laquelle les diplômés sont de plus en plus menacés (le mouvement des « Indignés » est là pour nous rappeler combien tous les diplômés de par le monde sont inquiets pour leur avenir ; d’où cet étrange paradoxe qu’au Portugal par exemple ce sont les jeunes diplômés qui sont plus souvent au chômage que leurs camarades non-diplômés).

La jeunesse a d’incontestables atouts à faire valoir ; elle est pétrie de qualités : dynamisme, enthousiasme, spontanéité, générosité, créativité, imagination. Et cela vaut tant pour les jeunes de banlieue. Si ces derniers n’ont pas toujours les savoirs intellectuels, ils ont souvent l’intelligence pratique et le raisonnement juste. Comment pouvons-nous sacrifier tout ce capital humain ?

C’est la jeunesse qui donne sens et consistance à nos existences. C’est avec elle que nous améliorerons notre présent et construirons notre avenir. Toutes générations réunies. Le progrès humain dépend pour partie de ce partenariat. Ce n’est donc pas seulement le dialogue social qu’il faut ré-enchanter, c’est aussi le dialogue des âges. Car la fracture générationnelle menace toujours, soyons-en sûrs.

Il faut donc aimer la jeunesse et ne plus la craindre, la considérer et ne plus la rabaisser. Il faut la valoriser, et ne pas la rabrouer sans cesse. Ayons toujours à l’esprit qu’aujourd’hui seul un jeune sur six se sent appartenir à la société et qu’un quart seulement a confiance dans l’avenir.

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