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La jeunesse est une et indivisible.

fize 2 La jeunesse est à l’image de notre République : une et indivisible. Les sociologues peuvent bien, par vieux réflexe marxiste, la segmenter, l’enfermer dans des catégories qu’ils voudraient étanches (pour le profit de qui au juste ?), notre jeunesse a le goût de l’unité, surtout quand l’adversité la frappe massivement et durablement. J’en veux pour preuve la réunion de dix-huit organisations de jeunesse au sein du Forum français de la jeunesse (FFJ), forum créé en 2012 pour faciliter le dialogue de jeunes vivant des situations sociales, scolaires, familiales, politiques, différentes. La journaliste Pascale Krémer, dans un intéressant papier (Le Monde du 4/11/14), souligne cette volonté unitaire de la jeunesse. « C’est, écrit-elle, une petite leçon donnée à leurs aînés. Communistes et catholiques ; socialistes, écologistes ou militants de droite, déjà au travail ou encore en études, ils sont capables de débattre sans s’écharper et de dépasser leurs divergences en adoptant des textes qui leur semblent fondamentaux pour l’avenir de la démocratie ».

Décidément, l’Histoire se répète, et plutôt sans bégayer. Car cette leçon dont parle Pascale Krémer, les jeunes, par mon entremise, la donnaient aux Français il y a dix-sept ans, Lionel Jospin étant chef du gouvernement. C’est en effet en juin 1997, « jeune » conseiller au Cabinet de la ministre de la Jeunesse et des Sports, que je prenais l’initiative de réunir au ministère une douzaine d’organisations et de mouvements de jeunesses, politiques et syndicaux notamment, de la droite républicaine à l’extrême-gauche, pour réfléchir ensemble aux problèmes des jeunes et aux solutions pour y remédier. Passé le temps de la surprise de mes interlocuteurs de se voir ainsi rassemblés (ils n’en avaient aucune habitude), la réunion se déroulait dans la confrontation d’idées, sans affrontement de personnes. Elle était suivie d’une série de Rencontres départementales de la Jeunesse dans toute la France, conclues par une Rencontre nationale à Marly-le-Roi en novembre 1997, sous la présidence du Premier ministre. Diverses mesures, dans différents domaines de la vie des jeunes, étaient adoptées. Un peu plus tard, sur ma proposition, la ministre de la Jeunesse et des Sports décidait la création des conseils départementaux et du Conseil permanent de la jeunesse (rebaptisé Conseil national de la Jeunesse plus tard). Hélas, par faute de réelle volonté politique de les faire vivre, ces structures allaient, les unes après les autres, tomber en déliquescence, le Conseil national de la jeunesse (CNJ) disparaissant même au début des années 2010.

Fermons là cette parenthèse historique pour revenir au débat actuel. Exit le CNJ donc, place au FFJ ! Forum qui lui-même, soit dit en passant, ne fait que répéter ces Forums mondiaux de la jeunesse qui, il y a un demi-siècle encore, scandait la vie internationale des jeunes. Quoi qu’il en soit, que des jeunes, différents par leurs situations ou leurs convictions, puissent se retrouver, de leur propre chef, ou à l’initiative des pouvoirs publics, comme en 1997, demeure une excellente chose pour la démocratie.

La jeunesse est une et indivisible, disais-je. Assurément, et malheureusement d’abord dans l’adversité. Car les situations des jeunes se rapprochent de ce point de vue. Urbains ou ruraux, diplômés ou pas, issus des quartiers populaires ou des couches moyennes, tous, garçons ou filles, sont désormais exposés au risque du chômage (faut-il rappeler, ce que les sociologues officiels taisent depuis toujours, qu’en une quinzaine d’années, le nombre de diplômés-chômeurs a été multiplié par trois ?). La plupart, sinon la totalité des jeunes actifs, connaissent de surcroît la précarité professionnelle, des bas salaires, interdisant l’accès au logement autonome, à la santé souvent. Enfin, et nous terminerons par ce point, les jeunes sont placés en exil des responsabilités publiques. Combien d’élus locaux ou nationaux de moins de 30 ans ? Pourtant, comme le rappelle Bernard Coly, l’un des fondateurs du FFJ, « quand on leur laisse la place, les jeunes la prennent. » (Le Monde du 4/11/14).

Mon dernier mot sera pour vous, monsieur le Président de la République. Vous venez de vous exprimer devant les Français, vous avez décidé, pour les jeunes, la création de 15 000 nouveaux emplois d’avenir « verts » ainsi que le développement du service civique. Vous avez émis le vœu que soit créé un service universel (non rémunéré) où pendant quelques mois les jeunes pourraient se mettre à disposition d’une mission d’intérêt général. Vous souhaitez que chaque jeune sorti du système sans diplôme ni formation puisse y retourner à son gré. Tout ceci est utile. Vous avez raison en particulier de vouloir multiplier les emplois d’avenir, plus nécessaires que jamais, à vouloir pousser les entreprises à la conclusion de contrats de générations. Rustines, disent quelquefois vos opposants (qui, eux, ne proposent rien). Auraient-ils oublié, ces gens-là, qu’autrefois c’étaient avec de bonnes rustines que l’on faisait repartir, et pour longtemps, nos bons vieux vélos. Pour les jeunes comme pour les autres, il n’y a pas de petite économie qui ne vaudrait rien !

Néanmoins, je regrette, monsieur le président, que vous n’ayez pas pris une grande initiative en faveur de cette génération : elle l’attendait. A cet égard, je ne saurais trop vous redire ce que je vous ai souvent écrit, à savoir que la jeunesse a besoin, autant que d’emplois, d’une formidable reconnaissance publique. Offrez-lui ce grand ministère d’Etat que vous aviez un temps envisagé pour elle. Créez ce ministère de la Jeunesse et de la solidarité entre générations ; rassemblez en son sein ces compétences inutilement dispersées dans ces trop nombreuses administrations : la jeunesse a besoin d’un ministère unique. Le traitement des problèmes de la jeunesse ne saurait être que global.

Michel FIZE, sociologue au CNRS, délégué national à la Jeunesse au MDP, Conseiller régional d’Ile-de-France, est également auteur du Livre noir de la jeunesse (Presses de la Renaissance, 2007).

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Commentaires

Une réponse

  1. Je vous remercie pour votre analyse , de part vos responsabilités de chercheur et d’homme engagé au service de la société; votre éclairage amène sans nulle doute des éléments incontestables à prendre en considération pour mieux comprendre notre jeunesse.

    Les jeunes doivent continuer à s’organiser et proposer à qui de droit leurs justes revendications car souvent du fait de la complexité des démarches et des interlocuteurs multiples le jeune est démuni et sachant plus les directives à prendre en compte.

    Faisons de la lutte pour l’emploi, la formation des jeunes, leur insertion réussit , l’une des priorités de la nation.

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