Group of employee people. Business team isolated on white background.

Pour un Châtelet de l’emploi des jeunes !

Après le Ségur de la santé, dont nous voyons bien combien l’enfer n’est pavé que de bonnes intentions, il est urgent de convoquer un Châtelet de l’emploi des jeunes.

Hier, le gouvernement a annoncé des mesures pour soutenir l’apprentissage en aidant les entreprises à embaucher des apprentis. Voilà la seule proposition sortie du chapeau du magicien quand les inquiétudes s’agrandissent chez bon nombre de jeunes.

Il est souvent question, à juste titre, des étudiants qui vivent des situations difficiles depuis le début du confinement (mais leur précarité est constante).

Avec le Covid-19 et ses conséquences sur l’économie française et mondiale, le taux de jeunes demandeurs d’emploi vient de dépasser les 20 %.
Mais nos dirigeants oublient une bonne partie des jeunes et s’enferment dans le préjugé selon lequel ils seraient « fainéants » et « réfractaires au travail ».

La réalité, tragique, c’est que ces jeunes font ce qu’ils peuvent pour se former et trouver un emploi, le plus souvent précaire car les opportunités en CDI sont rares, a fortiori pour les moins qualifiés. On leur reproche leur manque d’expérience et de motivation, mais on leur laisse si peu la possibilité d’être embauchés comme des débutants qui voudraient apprendre un métier et évoluer tout au long de leur vie professionnelle. Beaucoup doivent en outre soutenir financièrement leurs familles et donc, pour cela, trouver un emploi, une formation rémunérée, s’inscrire dans un dispositif d’accompagnement comme les Ecoles de la deuxième chance ou la Garantie Jeunes.

Lorsque ces mêmes jeunes ne vivent plus avec leurs parents, ils doivent assurer leurs besoins quotidiens. Quand ils ont la chance de pouvoir travailler à temps partiel, aucun bailleur ni propriétaire ne veut s’engager pour leur proposer un logement décent. Alors, c’est le système de la « débrouille » : dormir dans sa voiture, dans un squat, sous un pont, faire le 115 pour être accueilli dans un foyer d’urgence.

Pourtant, me direz-vous, il existe Pôle Emploi, les missions locales ?
Justement, parlons de Pôle Emploi qui souffre d’un manque cruel de moyens (un conseiller pour 400 demandeurs d’emploi dans certaines agences !). Les nouvelles règles fixées par l’Etat pour l’indemnisation des demandeurs d’emploi sont très violentes : il faut désormais avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers (contre quatre sur vingt-huit auparavant), idem pour le rechargement des droits (passé d’un mois à six mois de travail). Tous les syndicats demandent d’ailleurs l’annulation de ces mesures.

Parlons des missions locales dont le rôle, dès 1981, après le fameux rapport Schwartz, a considérablement évolué d’un accompagnement vers l’emploi, la formation, la mobilité et la citoyenneté à un rôle de « placement en emploi » avec des critères ubuesques fixés en 2019 par le ministère du travail : ce qu’on appelle les « indicateurs moustache ». Il s’agit en fait, comme dans le secteur hospitalier, d’une logique uniquement comptable qui oblige les missions locales à atteindre un objectif d’entrée dans l’emploi pour obtenir les financements de l’Etat, avec un système de bonus-malus selon les résultats obtenus. Ce qui est sidérant, c’est que les indicateurs sociaux ne sont pas pris en compte : conditions de logement, transports en commun… Alors, bien sûr, l’emploi précaire reste le plus facile à trouver : cariste dans l’entrepôt d’une multinationale, livreur de courses à domicile, employé de caisse, agent de sécurité, agent des services hospitaliers…
Si ces indicateurs de performance ne sont pas corrigés, les missions locales risquent de voir leurs financements diminuer et donc l’accompagnement des jeunes précaires sera entièrement confié à Pôle Emploi (déjà surchargé de demandes) ou à des opérateurs associatifs et privés qui répondront à des appels d’offres, ce qui est d’ailleurs déjà le cas !

Il est urgent de mettre sur la table d’un Châtelet pour l’emploi des jeunes les propositions suivantes :

*Redonner aux missions locales et aux dispositifs d’accompagnement des jeunes les moyens d’accompagner les jeunes vers la qualification et l’emploi pérenne;

*Décloisonner les dispositifs incompatibles entre eux comme la Garantie Jeunes, les EPIDE, les écoles de la deuxième chance, les chantiers d’insertion (ce que le rapport Borello demandait, déjà, en 2018 !);

*Encourager le développement de structures d’hébergement intergénérationnelles (comme cela se pratique dans certaines régions) permettant de loger, dans une même habitation, des personnes dépendantes et des jeunes, créant ainsi des espaces de solidarité;

*Ouvrir le RSA aux 18-25 ans afin de leur permettre de subvenir à leurs besoins quotidiens dans cette situation inédite de confinement et de pandémie.

Nicolas Céléguègne
Délégué national à l’emploi et à la formation professionnelle

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