Pour une réforme fiscale ambitieuse !

Par Jean-Pierre Guilleman et Laurent Lanyi, Conseiller municipal délégué (MUP-PS) et Maire-Adjoint (MUP) de Carrières sous Poissy.

Dans sa décision du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a invalidé le principe d’imposition à 75% de la tranche de revenus supérieurs à un million d’euros estimant que la réforme souffrait d’une « méconnaissance de l’égalité devant les charges publiques ».

On pouvait toutefois s’y attendre puisque, dès le départ, une  « erreur » juridique s’était glissée dans l’énoncé du projet : en effet, en France, on parle de « foyer fiscal » et non « de personne fiscalement imposable ».

Du fait de ce démarrage « raté », la droite a profité de l’occasion pour dénoncer le caractère confiscatoire de la mesure en s’appuyant sur les arguments sous jacents du conseil des « sages ».

En réalité, vu le niveau de revenu auquel cette taxation doit s’adresser – au-delà du million d’euros soit environ 83 000 euros par mois –, et sachant qu’il s’agit d’un impôt progressif, c’est loin d’être aussi confiscatoire comme prétendu par les caciques de l’UMP.

Au-delà du débat posé et de la posture du Conseil Constitutionnel, c’est bien la question fiscale et son besoin de réformes qui s’imposent au gouvernement Ayrault.

La France doit engager une vaste réforme fiscale qui doit pénaliser la spéculation et non pas l’économie productive.

En premier lieu, il faut une réforme complète du barème de l’impôt sur le revenu, en rétablissant une réelle progressivité, en proposant au minimum 8-9 tranches, au lieu des 5 tranches actuelles. Et porter le taux sommital de cet impôt à 60-65%. Ce qui n’est en rien exagéré si l’on considère qu’en Angleterre, lors de la seconde guerre mondiale, il y avait des tranches à plus de 90 % !

Techniquement, Il faut concevoir une accélération de la progressivité à partir d’un revenu référentiel se situant entre 45  000 et 50 000 euros par an. D’autre part, l’ensemble des revenus des contribuables, du travail comme du capital, doivent y être soumis. Il s’agit, dans cette optique et dans un souci d’équité, de revoir les 420 niches fiscales qui participent à baisser l’impôt des plus riches (pour mémoire « l’optimisation fiscale» coûte plus de 50 milliards d’euros à l’État).

La loi qui se profile tend à proposer un taux sommital à 75%.  Reste à voir l’attitude des « sages »qui ne manqueront pas d’être sollicités pour donner leur avis.

Un outil pertinent peut se coupler à cette réforme : la mise en place des prélèvements fiscaux à la source, à l’image des pays scandinaves.

Enfin, le relèvement des taux de l’impôt de solidarité sur la fortune doit être acté. L’effort fiscal doit être partagé.

On pourrait également rappeler pour le plaisir que l’impôt sur le revenu a été créé par Raymond Poincaré et qu’il était transitoire pour la durée de la Guerre, que la TVA a été l’œuvre de Giscard et qu’il existe toujours pour les DOM une taxe mer tandis que les TOM bénéficient d’exonérations fiscales fort intéressantes.

Aujourd’hui, la fiscalité dans son ensemble, TVA et impôts locaux inclus, pèse lourdement sur les ménages moyens. Or, il nous faut donner de l’air aux budgets publics et sociaux. Ce qui revient à relancer le débat du rôle redistributeur de l’Etat. Il s’agit aussi d’élargir la base de la fiscalité, de relancer l’activité économique et de sortir de 30 ans de modération salariale.

Cela induit la définition d’une autre politique du crédit et d’une réforme de la fiscalité des entreprises introduisant de la progressivité mais aussi une modulation en fonction de l’utilisation des bénéfices (pour le développement de l’emploi, la formation,  la recherche).

Le gouvernement Ayrault  doit définir sa politique fiscale en travaillant sur une fiscalisation véritablement progressive qui ne se limite pas aux seuls  revenus du foyer mais qui impacte aussi le capital.

Réformer la taxe d’habitation et la taxe sur le foncier bâti

Les impôts locaux (TH, TFB, TFNB) doivent aussi être revisités. Il devient essentiel de revoir la base même de ces impôts déterminés en fonction de la valeur locative brute du bien avec néanmoins une minoration via les parts fiscales (référence la TH) et certains abattements modulables, à la discrétion des éxécutifs locaux.

Aussi, pourrions-nous imaginer la mise en place d’abattements en fonction du revenu déclaré par le foyer fiscal avec la mise en place de tranches.

Ainsi pour un foyer dont les revenus seraient compris entre 5000 et 25 000 euros (annuels), un abattement de 15% sur les bases de la TH ou de la TFB pourrait s’imposer. Pour des revenus déclarés entre 25 001 euros et 45 000 euros, l’abattement serait de 10%. De 45 001 euros à 65 000 euros, l’abattement serait de 5%. Au-delà, il n’y aurait aucun abattement. Cette modulation des bases viendraient en complément des abattements votés par les exécutifs locaux.

Réformer la Contribution Économique Territoriale : une nécessité absolue !!!

– La taxe professionnelle sur les équipements et biens mobiliers (TP), à laquelle étaient soumises les entreprises depuis 1975, a été supprimée le 1er janvier 2010 (loi de finances de 2010) et remplacée par la contribution économique territoriale (CET) qui se décompose comme suit la cotisation foncière des entreprises (CFE), assise sur les valeurs locatives foncières, dont le taux est déterminé par les communes ou les EPCI.

           Avec un petit bonus pour les établissements industriels dont les bases foncières sont réduites de 30 % dans le calcul de la CFE afin de  permettre le  maintien de l’investissement nécessaire.

           – La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), prélevée selon un barème progressif et due uniquement à partir de 500 000 € de chiffre d’affaires. La loi de Finances 2011 a revisité pour partie ce seuil,  les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes est compris entre 152 500 euros et 500 000 euros sont tenues de souscrire une déclaration de la valeur ajoutée mais ne sont pas redevables au titre de la CVAE.

Pour le calcul, la valeur ajoutée est plafonnée à 80 % du chiffre d’affaires pour les PME dont le CA est inférieur à 7,6 millions d’euros et à 85 % pour les grandes et moyennes entreprises dont le CA est supérieur à 7.6 millions d’euros. La CVAE est égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l’entreprise au cours de l’année d’imposition de référence. Le taux est national.

Ainsi, ne sont pas assujettis à la CVAE,  les micro-entrepreneurs qui en sont exonérés, leur chiffre d’affaires étant  inférieur au seuil de  152 500 euros.

Plus généralement, la contribution économique territoriale ne peut excéder 3% de la valeur totale ajoutée d’une entreprise.

Néanmoins, bien qu’il paraissait essentiel de réformer la Taxe professionnelle, son remplacement par la CET, qui s’est faite sans concertation avec les acteurs économiques (la méthode Sarkozy), a rapidement montré ses limites.

Globalement, la CFE (cotisation foncière des entreprises), l’une des deux taxes qui a remplacé la TP, a fait un bond spectaculaire en 3 ans, mettant en péril la trésorerie de nombreuses petites entreprises.

Les très petites entreprises, les  auto-entrepreneurs et les  marchands ambulants ont vu leur impôt, part CFE, multiplié par quatre voire cinq et ce… en trois exercices uniquement !!!

La question de l’équité s’impose à nous et il devient notamment urgent de revoir les modes de contribution en modifiant la CVAE pour rééquilibrer l’impact de la part CFE.

1er proposition : revoir les plafonds d’imposition (pour mémoire les entreprises dont le Chiffre d’Affaire est supérieur à 7.6 millions, le plafond est figé à 85% du CA ) tout en réévaluant annuellement le taux selon un indice de référence (inflation..).

2eme proposition : mettre  en place une contribution forfaitaire pour les entreprises dont le CA est compris entre 100 000 euros et 500 000 euros, ce qui permettrait in fine de dégager des recettes complémentaires.

3eme proposition : concernant la CFE qui impacte directement le commerce local, il est important d’imposer un équilibre entre la notion de CVAE et de CFE. Ainsi, par exemple, pourrions-nous inclure, dans le calcul de la CFE, des abattements en fonction du CA perçu par la société, ce qui constituerait une meilleure équité.

Ainsi, pour un CA d’affaire annuel inférieur à 50 000 euros, un abattement de 35% serait appliqué sur les bases. Cet abattement serait de 30% pour les entreprises dont la CA d’affaires se situerait entre 50 001 et 100 000 euros, puis de 20% pour les entreprises entre 100 001 euros et 200 000 euros et de 10% pour les entreprises dont le CA se situe entre 200 001 euros et 300 000 euros. Pas d’abattement au-delà de 300 001 euros. Une progressivité de la CFE qui intègre pleinement la situation économique de chaque entreprise…voilà ce qu’il faut ambitionner.

4eme proposition : afin de minorer les pertes de recette, il serait pertinent de revoir l’abattement de 30% accordé aux entreprises industriels. En proposant certes son maintien (sous réserve d’un contrôle plus efficient ), mais sur la base de 15%.

La lutte contre les évasions fiscales

C’est près de 90 milliards par an qui échappent annuellement à la fiscalité nationale. L’Etat doit durcir le ton en imposant des contrôles plus efficients et en condamnant lourdement les évadés concernés voire les déchoir de la nationalité française.

La réforme fiscale est une nécessité qui doit s’imposer comme un outil nécessaire à la relance de notre économie.

A ce titre, le Mouvement Unitaire Progressiste jouera pleinement son rôle, au côté du gouvernement Ayrault, dans un débat qui devra être ouvert et sans tabou.

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Commentaires

Une réponse

  1. Cette taxe de cfe pour les auto entrepreneur est un coup dur : j’ai un chiffre d’affaire de 6000 euros par an, je travaille dur, j’ai payé 1800 euros de charges avant impôts, ce qui fait que je gagne 358 euros par moi. J’ai déjà eu du mal à payer les charges du 3ième trimestre et maintenant cette taxe. J’arrête le régime autoentrepreneur Petit chiffre d’affaire + taxes + CFE on gagne moins que le smic horaire, c’est légal?

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