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Réforme du collège : Un chantier essentiel pour l’avenir de nos enfants !

Depuis plusieurs semaines maintenant, les médias font des choux gras de prises de positions émanant d’auteurs qui n’ont tous, à les écouter, comme préoccupation unique que l’avenir de la jeunesse française. Tout ce bruit mérite qu’on s’y arrête quelque peu.

Sur la forme tout d’abord :

Quoi de plus violent que de voir un ex-président de la République, responsable direct de la plus grave attaque que l’Ecole de la République ait jamais connue, se préoccuper de concepts aussi étrangers pour lui que l’avenir des élèves les plus modestes…

« Dans les familles les plus aisées le naufrage de l’école sera compensé par la force de la famille, par le milieu social. Je l’accuse d’être injuste à l’endroit des plus modestes, qui vont se retrouver tout seuls, abandonnés. » Non, nous ne rêvons pas : c’est l’homme politique coupable d’avoir réduit le temps scolaire de tous les élèves de 3h hebdomadaires qui ose tenir de tels propos.

Autre élément de florilège de son discours du 11 mai dernier « Si le livre est trop épais, ne le lis pas… Si ton professeur t’ennuie, sors de classe et vas profiter… Avec ça on va faire de bons républicains, de bons citoyens. » Serons-nous suffisamment impertinents pour rappeler à cet homme, dont l’inculture fut l’objet de tant de rires, ses propos sur la Princesse de Clèves ?…

Sarkozy et ses gouvernements, en matière éducative, c’est :

Des dizaines de milliers de suppressions de postes en élémentaire et dans le secondaire dont les effets se font sentir avec retard mais ne peuvent aujourd’hui être cachés : le décrochage des élèves français dans tous les tests internationaux, un taux d’échec dramatiquement élevé qui jette à la rue des milliers de jeunes sans formation, des professionnels de l’éducation démotivés, désabusés…

Tel est le bilan des Ferry, Lemaire, Chatel, de cette droite qui tente aujourd’hui de se refaire une virginité en n’hésitant pas à relayer les contre-vérités les plus énormes, les rumeurs les plus aberrantes (substituer Djamel Debouzze à l’enseignement du latin, remplacer l’enseignement de la chrétienté par l’islam !).

Par-delà les postures, outrances et manipulations diverses dans lesquelles certains « intellectuels » se sont particulièrement distingués, il s’agit bien d’un débat de société :

D’un côté une droite revancharde, dont le modèle de société est construit sur l’individualisme, sur la compétition entre les individus, instaurant une reconnaissance du mérite pour les « plus forts » (ou ceux dont les parents ont les moyens) dont les larmes de crocodiles que tous ces gens versent sur la panne de l’ascenseur républicain ne sont que des attrapes-gogos.

De l’autre une gauche qui, malgré l’ambition de la loi sur la Refondation de l’Ecole et son indéniable ambition sociale pour le plus grand nombre (loin de l’égalitarisme dont certains voudraient la qualifier), n’a pas su ou pas pu mettre en œuvre les mesures attendues, la remise à plat du collège, son rôle pivot dans le parcours éducatif du plus grand nombre d’élèves en étant une pièce majeure.

Pour nous, Progressistes, aucune hésitation : la réforme du collège est souhaitable, nécessaire, indispensable si notre pays veut enfin briser le plafond de verre que représente l’échec scolaire et son insupportable poids social. Il faut sereinement, loin du cirque médiatique, poser la question de la continuité éducative, de la place et du rôle du collège. C’est ce qu’ont tenté de faire, maladroitement parfois dans certaines formulations, les pédagogues et chercheurs qui ont élaboré les propositions du Conseil National des Programmes. A n’en pas douter, ces documents méritent désormais d’être travaillés, affinés, intégrés par les enseignants qui seront chargés de les appliquer, présentés aux parents, à l’ensemble des forces vives du pays, pour que cette ambition de réussite soit portée par tous.

La volonté de sortir de la référence actuelle et exclusive d’une discipline portée par un professeur unique, la perspective de développer des approches inter et multi disciplinaires sont à nos yeux une réponse particulièrement prometteuse pour élèves qui n’entrent pas dans le schéma actuel du collège : le succès des TPE en lycée pour les profs qui ont pu et ont su les mettre en œuvre est de ce point de vue un exemple à analyser et à généraliser, avec un niveau d’exigence au moins égal à celui des humanités classiques mais avec une forme plus adaptée aux enfants du XXIème siècle.

Et les enseignants dans tout cela ? L’appel à la grève par 7 organisations syndicales pour le mardi 19 mai mérite qu’on s’y arrête : ce mouvement social est, par définition, légitime. Pourtant, il est particulièrement difficile dans les circonstances actuelles de déterminer ce qui relève d’inquiétudes légitimes de professionnels confrontés à des décisions qu’ils n’acceptent pas ou ne comprennent pas, ce qui constitue le résultat d’une campagne de lobbying soigneusement orchestrée et reposant sur des mensonges (la disparition de l’enseignement de l’allemand…) ou bien enfin qui est le fruit de ce que d’aucuns qualifient aisément de corporatismes si installés qu’ils rendent toute réforme du système éducatif impossible. En tout état de cause, les gouffres existants entre les différents projets sociétaux portés par ces organisations, la surexploitation médiatique du conflit par la droite et l’UMP bien décidées à se payer la tête de la Ministre ne peuvent que nous interroger.

Pour les Progressistes, il y a urgence à rouvrir sans délai un débat serein, à sortir des postures et à enfin aborder la question qui n’aurait jamais dû cesser d’être la première préoccupation de tous, celle de l’avenir du plus grand nombre de collégiens français. Cette question passe aussi par celle de la reconnaissance sociale accordée aux enseignants et de la refondation du pacte social qui les lie au pays  : accusés de tous les maux pendant des années (n’oublions pas la comparaison entre l’instit et le curé !), subissant un déclassement social dramatique (des salaires jusqu’à 50 % inférieurs à ceux des pays européens comparables) à qui on n’offre d’autre perspective que le regret d’un temps passé, au détriment de la préparation de l’avenir. Là est la responsabilité de la Ministre et du Gouvernement.

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Commentaires

6 réponses

  1. Les attaques médiatiques envers la ministre sont teintées des mêmes motivations que celles envers Christine Taubira, en ce qui concerne la réforme, j’attendais plus au regard de l’état actuel du collège. Step by step…

  2. Les professeurs et les proviseurs vont donc avoir plus d’autonomie. C’est bien non ? Sauf si une majorité d’entre eux préfère le confort de programmes contraignants ne laissant pas de place aux initiatives (que l’on peut critiquer à chaque fois que l’on peut puisqu’on y est pour rien). Alors qu’une part, même faible, d’autonomie va demander un peu de travail et d’invagination, ce dont j’en suis sûr, les professeurs ne manquent pas. Et à cette part d’autonomie correspondra une part de responsabilité et alors ça sera moins confortable. Et, alors que la principale qualité pour une bonne évolution dans la société moderne est de l’avis de tous l’adaptabilité, que dire de celle du corps enseignant ? A moins que beaucoup plus cyniquement derrière ce débat pour le bien de nos enfants, les syndicats ne voient une possibilité corporative de négociation salariale ? Mais je n’ose y penser ; comment une intention aussi triviale pourrait-elle germer chez ceux qui ont en charge l’enseignement de nos chers enfants, futurs citoyens.

  3. Sous la plume de JP Maurice, ex-responsable syndical du SNUipp-FSU,on attendait une analyse un peu plus fouillée sur le contenu de ladite réforme ; de même, ne retenir que les « craintes » ou le « corporatisme » des enseignants pour expliquer la journée de grève, c’est un peu léger…
    Sans vouloir ressasser la question des moyens (et de ce point de vue je partage totalement la 1ère partie de la contribution de JPM sur la droite, son bilan en la matière et ses cris de vierge effarouchée) la réforme fait quand même l’impasse sur les effectifs/classe et sur les dédoublements de classes possibles.
    Parce qu’avec 30 élèves/classe, on peut faire la réforme qu’on voudra…

    1. Merci de votre commentaire.
      Je suis désolé de ne pas avoir répondu totalement à votre attente 🙂
      L’intention de cette contribution n’était pas de livrer une Xème analyse de cette « réforme » mais de replacer en perspective l’impérieuse nécessité d’UNE réforme du collège : je me permets de vous conseiller la lecture de l’excellent texte paru dans les Cahiers Pédagogiques, dont un certain nombre de signataires comptent parmi les chercheurs les plus reconnus, en particulier sur la question de la difficulté scolaire.
      Comme toute réforme, les conditions de sa mise en œuvre seront déterminantes, nous sommes bien d’accord, en particulier pour ce que j’ai mis en avant, l’idée des enseignements pluri ou multi disciplinaires. Cela justifie totalement la vigilance des enseignants (chat échaudé craint l’eau froide). Pour autant, ne serait-il pas dramatique de rejeter a priori l’idée de réforme au prétexte que le résultat n’est pas assuré ? Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, agissons ensemble pour que les conditions matérielles soient là et pour que cette volonté de casser le plafond de verre de l’échec scolaire se traduise concrètement par des résultats.
      Une petite remarque enfin sur la référence que vous vous autorisez à faire sur des responsabilités que j’ai exercées (dont je suis fier et ne pense pas avoir à rougir) : je ne suis pas certain de bien comprendre ce qu’elle apporte à votre texte.

      1. Je remercie JPM de sa réaction. Je ne pensais effectivement pas que ma contribution provoque un quelconque intérêt…
        Je vais commencer par la fin : l’évocation de vos ex-responsabilités venait simplement illustrer ce que je lis comme une « tiédeur » dans votre commentaire présent. En gros, je vous ai connu plus vindicatif ! Quant à « rougir », je n’en vois effectivement pas la raison. J’ai, moi aussi, exercé des responsabilités au SNU, même si elles étaient de niveau inférieur, je n’en rougis absolument pas et, comme vous, ne renie rien !
        Sur la nécessité d’une réforme, je crois que tout le monde est d’accord. Il est à noter que ce gouvernement a, au moins, stoppé le tsunami des suppressions de postes de l’ère Sarko, ce qui n’est pas rien, particulièrement dans le 1er degré. Par contre, je reste inquiet sur l’autonomie des établissements et le renforcement du pouvoir des Principaux : loin de la « liberté » ou de « l’initiative » laissée à ces cadres, je crois qu’on gomme encore un peu le caractère national de l’éducation, pour laisser la place à une sorte de « régionalisation » voire pire avec une sorte d’individualisation des établissements, qui peut conduire à moyen terme à la disparition des diplômes nationaux et à court terme à une éducation à 2 vitesses entre les établissements de REP et ceux des « beaux quartiers » dont le contenu sera différent sous prétexte de modulations des stratégies.
        Quant à la sélection, injuste par essence mais bien présente dans le système actuel, je crains aussi qu’elle ne fasse que se déplacer. D’une sélection actuelle par les résultats et une bonne adaptation au système (finalement chère au SNES quoi qu’il en dise…) on risque de passer à une sélection par l’argent dans la mesure où des familles très aisées iront chercher dans le privé un cursus que le public n’offrira peut être plus.

    2. Faute résoudre tous les problèmes d’un seul coup, il faudrait être (une fois encore) contre cette réforme pour cause de « tiédeur ». Et ainsi, avec un tel raisonnement itératif, empêcher toute réforme à tout jamais !

      Cette réforme va-t-elle dans le sens de donner de meilleures chances à tous de bien mettre en valeur leurs dons naturels ? Voilà la question à laquelle il faut répondre avant de se prononcer. Pour ce qui me concerne, je pense que l’on peut raisonnable répondre « oui ». Même s’il restera d’autres difficultés à surmonter. Attendre un « deus ex machina » qui viendrait tout résoudre n’est que le cache sexe de l’inaction si chère à nombre de politiques pusillanimes.

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